Présomption de "non-discernement" pour les moins de 13 ans, jugement en deux temps, mise à l'épreuve éducative : le projet d'ordonnance réformant la justice des mineurs, qui doit entrer en vigueur en octobre 2020, a été présentée mercredi en Conseil des ministres.
Ce futur "code de justice pénale des mineurs", qui doit remplacer l'ordonnance du 2 février 1945 sur l'enfance délinquante, vise à juger "mieux" et "plus vite" et a été soumis à l'été au Conseil d'Etat.
Tout en saluant la nécessité d'une refonte d'ampleur de la justice des mineurs, les professionnels critiquent l'approche gouvernementale et la "concertation de façade" imposée par le choix de légiférer par ordonnance.
Le nouveau code pénal des mineurs n'entrera pas immédiatement en vigueur: il va être déposé devant le Parlement, qui aura un an "pour en débattre, le modifier, l'enrichir", selon la Chancellerie.
- Présomption d'irresponsabilité -
Dans son article premier, le projet de code pose un principe: "Les mineurs de moins de treize ans sont présumés ne pas être capables de discernement". Il s'agit d'une présomption simple: un juge pourra décider qu'un jeune de 11 ou 12 ans est doté de discernement et donc pénalement responsable. Il écopera alors d'une mesure éducative.
Divulguée le 13 juin par la ministre de la Justice Nicole Belloubet, cette mesure est "plus symbolique que révolutionnaire", jugent les syndicats de magistrats, puisqu'il n'est déjà pas possible de prononcer une peine contre un mineur de moins de 13 ans.
Aujourd'hui en France, la majorité pénale est fixée à 18 ans et il n'existe pas de "minorité pénale" mais des seuils d'âge: un mineur de moins de 13 ans ne peut être placé en garde à vue; de 13 à 16 ans, il peut éventuellement être emprisonné et, en matière criminelle, faire l'objet d'une détention provisoire, une possibilité élargie aux délits passés 16 ans.
Plusieurs conventions internationales, ratifiées par la France, exigent que soit retenu un âge plancher. En Europe, l'âge de la responsabilité pénale varie: il est de 10 ans en Angleterre, de 14 ans en Espagne, en Allemagne et en Italie, de 18 ans en Belgique.
- Procédure en deux temps -
Nicole Belloubet veut instaurer une césure de la procédure pénale en deux temps. Un premier jugement sur la culpabilité du jeune interviendra dans un délai maximum de trois mois. S'il est reconnu coupable, le juge prononce alors une "mise à l'épreuve éducative" de six mois, renouvelable une fois pour trois mois.
Elle peut être assortie d'une mesure éducative judiciaire provisoire (interdiction d'entrer en contact avec la victime par exemple) mais aussi de mesures de sûreté (contrôle judiciaire, assignation à résidence, voire détention provisoire).
À l'issue de cette période, les juges ou les tribunaux pour enfants rendent un jugement dans un délai d'un an maximum sur la sanction, qui est soit une mesure éducative soit une peine.
Cette procédure accélérée vise à réduire des délais de jugement actuellement de près de 18 mois et à indemniser plus vite les victimes.
Les délais annoncés sont "complètement irréalistes" à moins d'une augmentation significative des moyens, estiment les professionnels. "Cette question centrale des délais va transformer la nature de notre travail. Il nous faut du temps", souligne Vito Fortunato, du SNPES-PJJ-FSU, premier syndicat d'éducateurs spécialisés.
Le Syndicat de la magistrature (SM) dénonce une modification "grave": une "peine de travail d'intérêt général pourra être ordonnée dans le bureau du juge" où n'étaient jusque-là prononcées que des mesures éducatives. L'Union syndicale des magistrats (USM) y est également "très défavorable".
- Limiter la détention provisoire -
Malgré une délinquance juvénile qui n'augmente pas depuis plus de dix ans, la détention provisoire des mineurs bat des records: au 1er avril, 83,8% des 845 jeunes incarcérés étaient dans l'attente de leur jugement, donc présumés innocents.
La ministre veut la réserver aux faits graves. Elle pourra être aussi prononcée contre les "mineurs réitérants" ou en cas de violations répétées des obligations fixées dans le cadre d'un contrôle judiciaire.
La création de vingt nouveaux centres éducatifs fermés (CEF), en plus des 51 existants, "offrira aux juges des enfants une alternative renforcée à l'incarcération provisoire des mineurs", souligne également le ministère.
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