Trafic sexuel, marquage des femmes, travail forcé, vol d'identité, extorsion, blanchiment d'argent,  entrave à la justice...

L'étendue des activités criminelles présumées a commencé à être révélée à la fin du mois de mars lorsque Keith Raniere, surnommé "Vanguard" par ses fidèles, a été arrêté au Mexique et extradé aux États-Unis.

Le même mois, deux des résidences contrôlées par Raniere et ses membres de NXIVM ont été perquisitionnées par des agents du FBI qui ont mis la main sur plus de 500 000 dollars en espèces, des documents et des dizaines de dispositifs électroniques, y compris des ordinateurs et des téléphones portables.

Keith Raniere, dont l'organisation a longtemps été qualifiée de secte par des experts, a été initialement inculpé dans une plainte fédérale pour un ensemble de comportements criminels, y compris contraindre les femmes à avoir des relations sexuelles avec lui en les attirant dans une société secrète au sein de NXIVM. Il a depuis été inculpé en juillet par une nouvelle accusation, qui élargissait ses crimes présumés et impliquait ses plus proches confidentes, notamment la cofondatrice de NXIVM, Nancy Salzman, et Clare Bronfman, directrice des opérations de longue date de NXIVM et héritière de la famille des liqueurs Seagram.

Depuis neuf mois, Keith Raniere est détenu sans caution dans un centre de détention fédéral à Brooklyn qui abrite environ 1 600 coupables présumés, dont des membres de gangs violents et d'autres personnes inculpées de crimes graves.

Un juge fédéral a repoussé les tentatives répétées de ses avocats de le faire libérer sous caution en attendant son procès.

L'affaire pénale contre Keith Raniere et ses co-accusés - Bronfman, Salzman et sa fille, Lauren, l'actrice de télévision Allison Mack et la comptable NXIVM Kathy Russell - est complexe. Les avocats du ministère de la défense, très expérimentés, ont déjà fait des requêtes dans le dossier du gouvernement, y compris la principale allégation selon laquelle l'organisation secrète des femmes n'était qu'un stratagème pour monter un trafic sexuel.

Les arguments de la défense accusent le gouvernement d'avoir outrepassé de nombreux aspects du dossier. Ils affirment que les femmes n'ont pas subi de pression pour rejoindre DOS (sous-mouvement de NXVIM), dans lequel elles ont été marquées d'un symbole qui associe les initiales de Keith Raniere et Allison Mack.

Les avocats de la défense ont noté, par exemple, que toutes les femmes du groupe n’avaient pas eu de relations sexuelles avec Raniere et que leur participation volontaire était attestée par le fait que les membres avaient reçu un pochoir pour choisir l’emplacement exact de la marque a graver sur leur peau - juste au-dessus de leurs organes génitaux - par un médecin associé à NXIVM.

Le tatouage a été confié à Danielle Roberts, une ostéopathe qui a utilisé un outil de cautérisation pour marquer plusieurs participantes de DOS.  Roberts  n'a pas été accusée d'actes répréhensibles ni d'inconduite médicale.

Les détails du tatouage ont été décrits dans une plainte déposée auprès du ministère de la Santé l'année dernière par Sarah Edmondson originaire de Vancouver. Elle a déclaré qu'au moins 20 femmes associées à NXIVM avaient été attirées dans DOS et tenues de fournir une sorte de "garantie" préjudiciable, telle qu'une photo nue ou une sombre révélation de leur passé, afin de faire partie de DOS. On leur a dit que si elles enfreignaient les règles ou si elles partaient, leurs révélations seraient rendues publiques.

Edmondson a déclaré que beaucoup de femmes avaient été induites en erreur. Elle a déclaré avoir appris qu'il s'agirait d'un "tatouage" et n'avoir appris que plusieurs semaines plus tard que la marque, dont on lui avait dit qu'elle était un symbole latin, portait en réalité les initiales de Keith Raniere et Allison Mack.

Les procureurs fédéraux de Brooklyn affirment maintenant que les activités de DOS sont assimilables à un trafic sexuel - leur plainte détaille le récit d'une femme qui aurait été contrainte à avoir des relations sexuelles avec Raniere. "

Edmondson a déclaré avoir contacté la police d'État, mais un enquêteur lui a dit qu'il n'y avait pas de comportement criminel parce que les femmes avaient accepté d'être marquées.

Les procureurs fédéraux disent que Keith Raniere a créé DOS, connu sous le nom de "Dominus Obsequious Sororium", qui signifie "Maître des femmes esclaves". Les avocats de Raniere ont depuis reconnu qu'il avait contribué à la création de DOS,  mais affirmait que tout sexe entre lui et ses membres était consensuel.

L'affaire pénale - à quelques mois du procès - a également suscité la controverse lorsque les procureurs ont récemment mis en doute la légalité d'un fonds en fiducie créé par Bronfman pour payer les honoraires d'avocat de certains témoins. 

Selon le gouvernement, au moins un témoin non identifié a déclaré aux procureurs qu'un avocat payé par le fonds fiduciaire l'avait informée qu'il ne pourrait pas le représenter sauf si elle acceptait de ne pas coopérer avec le gouvernement ou d'invoquer son droit au cinquième amendement contre l'auto-incrimination.

"Si un tel comportement atteint le niveau d'obstruction à la justice, le gouvernement ouvrira une enquête pénale", ont écrit des procureurs dans un document récent.

Si tel est le cas, le nombre d'accusés et le nombre d'accusations criminelles pourraient augmenter. Un nouvel acte d'accusation pourrait également être un moyen pour le gouvernement de resserrer les procédures pénales afin de pouvoir résister à tout appel si elles obtenaient gain de cause.

L’enquête fédérale intensive et rapide qui a débuté à Brooklyn l’année dernière fait suite à un article du New York Times mettant en avant le club secret de femmes de NXIVM et sa pratique du tatouage, rapportés pour la première fois quelques mois auparavant par Frank Parlato, un ancien journaliste de NXIVM qui dirige divers blogs de nouvelles à Buffalo et qui a été en contradiction avec l'organisation pendant des années.

Peu importe l'issue de l'affaire pénale de Keith Raniere, de nombreuses personnes proches de l'organisation ont déclaré que NXIVM - qui avait autrefois des bureaux et des milliers d'adeptes dans le monde entier - avait été entravé et qu'il serait difficile de relancer ses opérations, qui ont été fermées l'été dernier.

En effet, l'organisation, qui selon le gouvernement, offrait une formation très onéreuse aux dirigeants et des programmes "d'entraide" similaires à un système pyramidal, se nourrissait de l'argent des anciens partisans les plus loyaux de Raniere. Certains de ces anciens fidèles, dans des entretiens, ont décrit l'arrestation comme une prise de conscience qui leur a permis de comprendre qu'ils faisaient peut-être partie d'un culte dirigé par un homme davantage intéressé par les relations sexuelles libres avec de jeunes femmes que par le développement humain.

Keith Raniere risque la prison à vie pour des accusations de traite à des fins sexuelles, voire des décennies d'emprisonnement s'il est reconnu coupable d'infractions connexes de fraude par  racket et de complot pour travail forcé.

Raniere a été arrêté le printemps dernier dans une villa de luxe sur la plage de Puerto Vallarta, au Mexique. Au Mexique, les autorités ont déclaré que Raniere s'était débarrassé de son téléphone portable et avait utilisé un courrier électronique crypté pour communiquer avec ses partisans. Ils ont déclaré qu'il avait fallu près de deux mois aux autorités mexicaines pour le localiser et l'arrêter.

Le juge fédéral de Brooklyn a programmé le procès de Keith Raniere et de ses coaccusés pour le mois de mars.

Voici les détails des poursuites pénales fédérales contre les dirigeants de NXIVM :

- Keith Raniere et Clare Bronfman ont conspiré pour commettre le vol d'identité résultant d'un stratagème visant à obtenir les noms d'utilisateur et les mots de passe d'e-mail d'ennemis supposés de Raniere afin de surveiller leurs communications électroniques.

- Raniere et Bronfman ont participé à un complot de vol d'identité impliquant l'utilisation d'informations de carte de crédit et bancaires appartenant à l'une des partenaires sexuelles de Raniere après son décès en novembre 2016. Bronfman a régulièrement envoyé des courriers électroniques documentant les dépenses imputées sur la carte de crédit de la femme. Ces dépenses comprenaient les paiements à un chiropraticien pour le compte de Raniere, ainsi que des milliers de dollars d’achats de vêtements et de chaussures pour la mère de l’enfant de Raniere.

- Bronfman a encouragé et incité l’entrée illégale aux États-Unis d’un étranger pour l’intérêt financier de Bronfman, pour faire croire que la victime disposait de ressources financières afin d'obtenir un visa d’investisseur.

- Raniere et Lauren Salzman sont impliqués dans le trafic sexuel d’une victime, qui était jadis une partenaire de Raniere, en échange de travail et de services. La victime a été confinée dans une pièce pendant près de deux ans en guise de punition pour avoir eu des sentiments romantiques envers un autre homme. La victime a été informée que si elle quittait la pièce, elle serait renvoyée au Mexique sans pièce d'identité.

- Raniere et Lauren Salzman se sont emparés de biens et ont obtenu des services issus de leurs esclaves par la fraude et l'extorsion. Après la révélation de Dominus Obsequious Sororium, Salzman était l’un des responsables d’une campagne de désinformation visant à répandre des mensonges sur les membres de DOS et de NXIVM afin de discréditer les victimes.

- Nancy Salzman, en tant que commandante adjointe de Keith Raniere au sein de NXIVM, a conspiré avec Raniere et d'autres pour faire obstruction à la justice en modifiant des dossiers dans le cadre d'une action civile engagée par NXIVM contre une ancienne étudiante.
Dans le cadre de la découverte de la contre-poursuite de l’ancienne étudiante, Nancy Salzman a reçu l’ordre de retourner des vidéos des cours que la jeune femme avait suivis. Nancy Salzman a entrepris de remonter des vidéos de cours qu’elle avait enseignés à la jeune femme afin de retirer des éléments qui auraient pu appuyer les affirmations de l’ancienne étudiante.

- Raniere et Russell ont conspiré pour commettre un vol d'identité dans le cadre d'un stratagème visant à introduire clandestinement un étranger aux États-Unis par le Canada, cette dernière personne s'étant vu refuser l'entrée. Russell a fourni à l'étranger une carte d'identité portant le nom de famille et l'anniversaire d'une femme décédée.

Ces accusations font suite aux premiers délits pour trafic sexuel pour lesquels a déjà comparu Keith Raniere lors d'audience et auxquels il devra répondre avec ses co-accusés au mois de mars 2019.

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- Keith Raniere bien seul au tribunal - retour sur l'affaire (06/05/2019)

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