Psycho-Criminologie

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psychologie et criminologie

Publié le par Criminologie
Publié dans : #2019, #Actualités, #Justice, #Violences conjugales, #Levée du secret médical, #Nicole Belloubet

 

La mesure de la levée du secret médical voulu par le gouvernement dans la lutte contre les violences conjugales est loin de rencontrer l'approbation des médecins, qui craignent une rupture du lien de confiance avec leurs patientes. 

"Très clairement, ça ne va pas." La ministre de la Justice, Nicole Belloubet, déplore des dysfonctionnements dans le traitement pénal des violences domestiques contre les femmes. La garde des Sceaux s'appuie sur la publication, dimanche 17 novembre, d'un rapport de l'Inspection générale de la justice (IGJ) sur les homicides conjugaux qu'elle avait commandé en juin dernier.

Ce rapport s’appuie sur l'exploitation de 88 dossiers criminels ayant donné lieu à un procès aux assises. Il apparaît que "près des deux tiers des victimes avaient subi des violences conjugales antérieurement à l'homicide" et que, parmi ces cas, plus d'un tiers n'avaient pas été signalés aux forces de l'ordre. Parmi les 24 recommandations du rapport, la cinquième fait débat. Les auteurs préconisent de "modifier l’article 226-14 du Code pénal pour permettre à tout professionnel de santé de signaler les faits, même en cas de refus de la victime".
Il s’agirait donc d’étendre la levée du secret médical aux femmes victimes de violences.

Nicole Belloubet y est favorable, tout comme son homologue en charge de l’Égalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, qui propose"un secret médical partagé par exemple entre les urgentistes, les avocats et la police pour mieux protéger les femmes", décrit BFMTV. Pourtant, la proposition est loin de faire l'unanimité chez les médecins.

Pour Emmanuelle Piet, médecin de la protection maternelle et infantile (PMI), présidente du Collectif féministe contre le viol (CFCV), le fait d'aller contre la volonté des victimes va accentuer leur vulnérabilité. "Le risque, c'est que la patiente ne vienne plus nous parler et qu'elle se mette encore plus en danger. Si elle avait l'habitude de venir se confier et qu'elle se met à avoir peur que l'on parle, elle ne viendra plus. Et là, cela devient dangereux", explique la praticienne à franceinfo

"Pour moi, c'est une fausse bonne idée", tranche Yannick Schmitt, médecin généraliste qui travaille avec l'Association SOS femmes solidarité 67. "Le fait de parler à leur place saperait le travail des associations qui accompagnent ces femmes depuis parfois des années et qui les préparent à porter plainte en récupérant des preuves, en rassemblant des papiers administratifs..." détaille-t-il à son tour à franceinfo. "De mon expérience personnelle, toutes les femmes que j'ai vues en situation de danger étaient suffisamment lucides pour porter plainte. Mais encore faudrait-il que leurs dépositions soient prises au sérieux", tranche le médecin. 

Selon Emmanuelle Piet, un signalement unilatéral n'a aucune utilité si la police et la justice n'agissent pas efficacement ensuite. "La majorité des femmes qui ont été tuées avaient porté plainte et cela n'a rien changé. Deux fois dans ma carrière, j'ai tenté de signaler des femmes que j'estimais en danger et qui ne souhaitaient pas dénoncer leurs conjoints. Il ne s'est rien passé. J'avais pourtant précisé qu'elles étaient menacées de mort", affirme-t-elle à franceinfo. 

Pour elle, le problème est avant tout celui de la prise en charge de ces femmes, "souvent présumées menteuses, quand leurs maris sont présumés innocents". Hors de question donc pour la docteure de lever le secret médical si elle n'a pas l'assurance que ses "patientes seront protégées". Le rapport de l'IGJ relève que 41% des victimes avaient signalé des violences à la police ou à la gendarmerie, mais que 80% des plaintes transmises avaient été classées sans suite.

 

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Sources :
- FranceInfo
- BFMTV

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