Psycho-Criminologie

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psychologie et criminologie

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Le droit français ignore le crime d’inceste. La pédocriminalité, la maltraitance des enfants et la transgression du tabou de l’inceste paraissent ne relever que de la criminalité ordinaire. Des journalistes travaillant loin de l’émotion médiatique, des psychologues confrontés au quotidien de la souffrance enfantine, nous révèlent que ces crimes, loin de n’être que le reflet d’une détresse économique et sociale, touchent toutes les couches de nos sociétés. Des affaires étouffées, des signalements qui avortent, autant de faits traduisant un profond malaise collectif. L’auteur énonce les mystifications qui entourent le crime d’inceste ; il propose différentes approches novatrices et dénonce ce crime contre l’humanité. Ce livre édité en 2006, épuisé en édition papier, est malheureusement toujours d'actualité.

362 Pages

Introduction


Sans que nous y prenions garde, la transgression du tabou de l’inceste et la pédocriminalité se généralisent de manière ophidienne. Crimes souvent trop facilement attribués au quart-monde de nos sociétés. Il se découvre chaque jour davantage qu’il s’agit d’un mal bien plus global, étendu et numériquement important. Dissocier les procès retentissants – Outreau, Angers – du tourisme sexuel, c’est ignorer que des réseaux anciens s’organisent autour de rituels macabres où des enfants et des jeunes femmes sont sacrifiés pour le plaisir pervers de quelques individus – hommes et femmes – appartenant à des professions au-dessus de tout soupçon. Faire de ces procès des événements d’exception est une affaire de presse et les appels à l’émotion du public masquent une réalité que nous, citoyens des démocraties modernes, ne voulons pas affronter sous différents prétextes qu’il s’agirait de repérer afin de mieux comprendre comment cette « épidémie » se développe.

 Ailleurs, dans des pavillons cossus, des enfants, de plus en plus souvent en bas âge, subissent en silence les assauts d’un père ou d’un beau-père, parfois d’un oncle ou d’un « ami de la famille » – un monsieur si bien ! Ce n’est que quand les faits sont établis, enfin, que l’horreur se répand dans les rues si calmes de nos zones pavillonnaires comme un flot de boue, s’abattant là comme une catastrophe imprévue… Les médias dénoncent et, le temps d’une autre catastrophe, tout rentre dans l’ordre ; les commissions parlementaires et autres instances d’enquête étant là pour ponctuer le silence.
 Il semble que ce silence cherche à masquer quelque monstruosité qu’il n’est pas bon de mettre en exergue. Les médias distillent ces nouvelles comme autant d’étoiles sombres d’un ciel qui n’existe pas, sinon dans les fantasmes de ceux qui se battent pour la défense de ces innocents ou de ceux qui parlent de vastes réseaux fort bien organisés, en Europe, en Russie, aux USA…

 Non, la rumeur, largement alimentée par la folie émotionnelle des reportages, ne nous parle que de faits isolés, des lambeaux de déchéance de nos sociétés, un mal avec lequel il nous faut accepter de vivre. Une pollution psychique pour laquelle nous pourrions éventuellement songer à des États Généraux, mais plus tard... Le Mal a toujours existé et, soyons réalistes, il existera toujours, dit-on pour se dédouaner de toute forme d’implication, voire d’une simple curiosité offensée. Tout dépend de l’espace que l’on offre à la peste noire de la pédocriminalité pour propager son fléau. Tout dépend également de la limite que nous imposons au Mal. De ce point de vue, nos sociétés bien pensantes et polies par le vernis d’un hégémonisme planétaire parviennent à un point de leur histoire où il s’avère important de rendre des comptes et que nous fassions, tous, le point sur la limite que nous imposons à la démesure.

 Cet opuscule a pris naissance au confluent de deux expériences. Durant de nombreuses années, comme éducateur spécialisé puis comme psychologue clinicien j’ai pu recueillir le signalement de nombreux cas d’inceste avérés contre lesquels nous ne pouvions rien. Au fin fond de l’Aveyron, dans la campagne angevine ou dans les banlieues parisiennes, cette transgression, connue de tous, devait passer inaperçue. La signaler pouvait avoir comme conséquence d’être licencié pour faute professionnelle. Il s’agissait d’inceste de l’indigence financière et psychologique. Une pauvre fille – le plus souvent – servait de « paillasse » aux frères, au père, voire à d’autres, oncle, neveux, etc. Novice en ce territoire hexagonal, je ne parvenais pas à comprendre cette tolérance qui s’affichait volontiers comme une sorte de pitié, de commisération pour de pauvres primitifs auxquels les autres auraient accordé le droit à des mœurs particulièrement bestiales. Comme si l’unité d’une commune villageoise se satisfaisait de ces représentations contrôlées du Mal. On y sacrifiait une jeune femme, mais les autres pouvaient vivre en paix. Le Mal étant bien circonscrit…

 J’ai pu voir que, peu à peu, ce symptôme de l’indigence touchait également d’autres couches de la société, à pas feutrés, toujours dans le silence. L’histoire des mœurs nous révèle que la transgression du tabou de l’inceste existe depuis longtemps dans nos sociétés et qu’elle a souvent été largement tolérée. Un cas célèbre étant celui du Pape Alexandre VI (famille Borgia), il eut un enfant avec sa fille Lucrèce et il ne fut jamais destitué ni condamné. Désormais, ce mal est très largement étendu, la pédocriminalité est devenue un fléau qui s’est répandu sur la planète entière au point que s’organisent autour d’elle des circuits de tourisme qui masquent à peine leur finalité. Nous apprenons chaque jour que les prédateurs font partie du tissu général de nos sociétés technologiques. Ce ne sont plus des êtres d’exception desquels, pour quelque raison majeure, on tolère quelques écarts. Le crime d’inceste, toujours aussi silencieux, n’est plus le symptôme d’un milieu indigent ou privilégié, il atteint toutes les couches de nos populations. Il demeure cependant toujours caché, honteux, rampant, suscitant la honte mais rarement le signalement. Quand une malheureuse victime ose porter sa douleur sur la place publique, c’est elle qui fait figure d’agresseur, de fauteur de trouble. Et, comme telle, la justice est sourde à ses plaintes. Les familles, à l’unisson, se portent contre elle, faisant mine d’être scandalisées devant tant d’infamie. Pendant ce temps, un prédateur anonyme se trouve à devoir serrer les mains des représentants de la force publique, s’excusant de telles accusations.

  Témoignage et séquences de vie
Aujourd’hui, je recueille les paroles d’une maman de 27 ans qui a surpris chez sa fille des comportements « bizarres ». À l’école, elle dessine des êtres dotés d’un sexe masculin. L’enfant se plaint de ce que sa « foufoune lui fait mal ». Elle mime ce que l’on fait à sa « foufoune ». L’enfant a trois ans. La mère sort d’un procès de divorce qui s’est conclu par une déclaration de faute à son en contre. Elle alerte les services hospitaliers qui font subir divers examens médicaux à sa fille. Sa vigilance est éveillée mais ce qui me choque c’est l’appréhension de cette mère à engager un processus de surveillance car, dit-elle : « Avec un divorce pour faute, la famille de mon mari pourra se retourner à tout moment contre moi. » Le père s’avèrera être un manipulateur psychique. Nous sommes au cœur du problème ! La victime craint son prédateur, même devant la justice des hommes. Nous l’aurons compris, il n’est pas bon d’être ou d’avoir été la victime d’un prédateur usant et abusant de son autorité pour établir une domination vicieuse sur sa victime. Une telle bête semble posséder tous les atouts d’un jeu distribué d’avance. Usant des moyens sophistiqués d’Internet, je participe depuis de nombreuses années à des forums publics, ces tribunes libres sur lesquelles chacun peut porter sa parole. Sur les grands forums internationaux, la confession n’est guère possible. Il y a trop de « trolls », ces navigateurs inconstants sans foi ni loi qui ridiculisent les plus faibles, le plus souvent. C’est sur des forums privés, plus protégés, que l’on croise des rescapés de l’enfer du viol et de l’inceste. Sur le forum du Village Psycho-ressources, à partir des questions posées par de nombreux/ses intervenants/tes, le thème de l’inceste fut abordé sans pudeur.

 Lors d’une longue session, le point de vue de la victime était surtout au centre des discussions. Des psychanalystes orthodoxes intervinrent, exposant des thèses déjà connues, sans vraiment entendre…  Peu à peu, les débats se portèrent sur la personnalité du prédateur et débouchèrent, enfin, sur les implications plus sociales et historiques de l’existence de l’inceste. Les différents témoignages et interventions ont montré combien l’approche de ce problème demeurait encore tabou, imprégnée de préjugés et de craintes. Notamment : « Guérit-on d’une telle blessure ? », « Est-il vrai que la victime reproduit ce qu’elle a subi sur ses propres enfants ? » Comme s’il s’agissait d’une peste de l’âme. Par-dessus tout, le silence des professionnels présents sur le forum a particulièrement attiré mon attention. Et quand ces derniers posaient quelques indications, toutes surgissaient du fond de 120 ans de théorie psychanalytique, sans souci aucun de ce qui se disait ni qui s’exprimait. Je pensais que, de-puis mes années d’université, les praticiens de la psychanalyse avaient évolué, accordant plus d’attention, de bienveillance et d’ouverture à ceux qui rapportent leur témoignage dans l’espoir, un  jour, d’être hissés hors de l’enfer.

 À la lecture de si nombreux témoignages, à la lumière de ma propre expérience, je pris conscience que le crime d’inceste, et plus largement la pédocriminalité, devenait un véritable fléau qui minait silencieusement nos sociétés, sans que quiconque, en dehors de quelques individus un peu plus sou-cieux que d’autres des fondements des lois, ne prenne la peine de sortir d’une sorte d’indifférence honteuse. L’exploration d’Internet, l’étude des bibliographies montrent le peu d’intérêt porté à ce qui m’apparaît désormais non comme un problème de société mais comme un crime de civilisation, qui  gagne la planète partout où les cultures du « marché » gagnent en territoire. Mais ramener la transgression du tabou de l’inceste et la pédocriminalité à un problème de société, c’est oublier le caractère universel de ce tabou. C’est ignorer les raisons qui ont permis à celui-ci de traverser les millénaires. La transgression du tabou de l’inceste et la pédocriminalité sont un problème de civilisation ! Il existe indéniablement une corrélation entre l’invasion de la culture du marché et la pédocriminalité ! Nous exportons nos mœurs, comme les colons d’antan exportaient leurs virus, décimant ainsi les populations conquises. Nous exportons nos cultures conquérantes et guerrières dans lesquelles les faibles n’ont pas de place. L’autre y est un objet à dominer. Le pédocriminel raisonne de même par rapport à sa victime. Ce faisant nous ignorons la place de l’enfance dans le devenir d’une civilisation, tout comme, d’ailleurs, nous ignorons volontiers que nous laissons aux civilisations futures, celles de nos enfants et petits-enfants, une terre en désastre.

 Pourtant, il semble bien que l’on se satisfasse de ce silence qui accompagne les souffrances sourdes d’enfants perdus quelque part dans les villes, soumis au vice de leur prédateur. S’il en est ainsi sans que des réactions surviennent, c’est qu’il y a plus grave, plus profond, plus enraciné et qui se présente sous forme d’une menace. C’est une attitude collective fort connue de faire « comme si » quand la conscience se trouve en présence d’une catastrophe qui dépasse l’entendement. Quand l’Europe ployait sous les bottes nazies, les peuples d’Europe se taisaient, quand se dressait la liste des déportés après les rafles, chacun se taisait. Les dirigeants français, anglais et américains connaissaient bien avant-guerre le sort qui était réservé aux juifs déportés, silence ! Soixante ans après, le traumatisme n’est toujours pas surmonté. Plus, nous n’avons pas tiré les leçons de l’existence du Mal dans nos sociétés. Nous ne savons pas ce qu’il faut en faire. Ainsi se révèle un très profond malaise sur lequel nous ne pouvons faire silence.

 Parlant du Mal, je faisais lire les premières épreuves de cet essai à une personne elle-même rescapée de l’inceste. À la lecture du mot Mal, elle exprima une certaine réticence. Cela lui rappelait trop, disait-elle, la religion. Certes, mais comment nommer autrement cette chose qui nous envahit ? Que la référence religieuse gêne est un fait, que les institutions religieuses aient, peu ou prou, tenté de nommer le Mal pour mieux ériger leurs dogmes est un autre fait, mais nous ne pouvons pas pour autant nous taire et faire « comme si » à grand renforts de concepts nouveaux dans un jargon qui nous donnera l’illusion que nous avons mis la chose à distance, qui ne renverra à rien d’autre que nos résistances à assumer une vérité tangible. C’est bien tout le problème de nos sciences et de leur jargon. Une chape immense de glace sur tout ce qui touche le monde… pour croire que l’on domine et contrôle tout. La psyché humaine échappe encore à la science et il y a de fortes chances pour qu’elle continue de lui échapper durant longtemps encore.

 L’interdit de l’inceste est le tabou fondamental de l’humanité, étendu à toutes les cultures et les civilisations et, probablement, le plus ancien. Sa transgression nous met en présence d’un crime in-nommable, d’une atteinte aux bases mêmes du tissu social humain. Et, en élargissant l’enquête à la planète, il se révèle que ce crime suit les conquêtes de nos pseudo démocraties ou de la culture du marché, telle une suite touristique ou un complément économique. Du temps des guerres de conquêtes, les grandes armées, non contentes d’emmener la terreur chez l’ennemi, traînaient avec elles nombre de ma-ladies semant la mort autant que les canons le faisaient ; le néocolonialisme du « Marché » sème d’autres instruments de mort et d’indignité. Les pires qu’il soit ! Ceux de la perte de la dignité humaine, de l’humiliation et de la rétrogradation des plus fragiles au rang d’objet à soumettre et à exploiter, tant au plan économique que sexuel. Nous pouvons donc nous demander d’où vient ce silence, pourquoi il existe et ce qu’il peut bien nous indiquer. Nous devons alors nous insurger devant l’absence de réponses à tant de questions sur l’inertie de nos justices si fières, ailleurs, de porter leurs idéaux partout sur la planète comme le bienfait universel, oubliant les semences de la soumission qui les accompagnent.

 

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 Table des matières
INTRODUCTION - 13
 
Témoignage et séquences de vie - 16
 
PRÉALABLES -  22
 
LA MÉTHODE DE L’EXPOSÉ -  24
 
Contenu de l’ouvrage et témoignages - 25
 
LES PRÉJUGÉS -  30
 
Point de vue juridique et pénal - 35
 Poser le problème du Mal dans nos cultures - 39
 
QUELQUES TÉMOIGNAGES - 42
 
PREMIÈRE PARTIE - 49
 
ÉTAT DES LIEUX- 55
 
Quelques chiffres- 56
  L’adulte incestueux ou pédocriminel- 59
  Le pervers narcissique, pédophile ou pas ?- 64
 Manipulateur et pédocriminalité - 70
 
ABORDER L’INCESTE SOCIALEMENT - 74
 
 Justice, manipulateur et victime - 77
 Outreau ou la faillite des médias et des institutions -79
  Rumeur et mobilisation populaire, les violences conjugales et le viol au quotidien - 88
  La psychanalyse en rajoute - 92
 
LA PLACE DU PARENT PASSIF - 99
 
LA MARQUE SPÉCIFIQUE DE L’INCESTE SUR SA VICTIME - 103
 
 La sexualité, le couple- 105
  L’alliance paradoxale - 109
 
LA QUESTION DE LA MÉMOIRE -  110
 
 La mémoire, les émotions, la conduite d’entretien - 113
 Positionnement thérapeutique -  115
 
L’ÉCOULEMENT DE L’ ÉNERGIE PSYCHIQUE -  117
 
 Rupture -  120
 
UN MONDE OÙ TOUT PARAÎT IRRÉEL -  139

Précisions sur les buts d’une psychothérapie - 144
 Travail sur soi et voie de recréation - 148
 Confiance -  160
 
LA PSYCHANALYSE FACE À L’INCESTE - 161
 
Une première réponse -  162
 Une autre réponse - 164
  Au sujet de Freud - 165
 Troisième réponse - 169
 
QUATRIÈME RÉPONSE

 UNE ALTERNATIVE ? -  171
 
 La Résilience, une illusion ? - 171
  Ancienneté de la résilience -  180
 L’imaginaire, les fantasmes d’inceste - 188
 Volonté de contrôle et domination de la conscience - 194
 Une justification par les mythes - 201
 
COSMOGONIES MODERNES -  213
 
DEUXIÈME PARTIE -  195
 
MYTHE DE CRÉATION ET GENÈSE DE L’ÊTRE -  221
 
 La construction du moi, naissance du monde moderne -  224
 
PÉDOCRIMINALITÉ, COMPLEXE D’ŒDIPE ET INCONSCIENT COLLECTIF -  249
 
 L’archétype paternel -  252
  L’Archétype Maternel -  255
  Interaction des imagos paternelle et maternelle -  261
 Piliers du monde, les parents - 263
 Une société cannibale  – les pauvres – la femme – l’enfant … -  272
 On viole en silence -  279
 Une cathédrale sans pilier -  281
 
UN PROBLÈME DE SOCIÉTÉ - 285
 
 De la souffrance muette aux rues de nos villes - 285
  La démesure – les idéologies de la surconscience -  288
 La fonction régulatrice de la conscience -  298
 Voie de recréation pour une société -  303
 
CONCLUSION - 313
 
Une action sociale et politique porteuse - 316

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