Psycho-Criminologie

 Les faits

 Priscilla Ford est l'une des seuls tueurs en masse de sexe féminin. Elle a foncé avec sa voiture sur un trottoir et a tué 7 personnes et en a blessé 23 autres, le 27 novembre 1980, le jour de Thanksgiving. Pour ce geste meurtrier, elle fut condamnée à mort, mais mourut avant que la sentence ne soit exécutée, à l'âge de 75 ans d'un emphysème.

 Les prémices

 Priscilla Ford, née en 1929 à Berrien Springs, dans le Michigan est l'enfant préféré d'un couple qui en compte onze (9 filles et 2 garçons). La famille Lawrence fréquente l'Eglise des Seventh Day Adventists. Grâce à de nombreux efforts, ils parviennent à envoyer leur fille, Priscilla à l'université qui va obtenir un certificat d'enseignement en 1966. Elle occupe dès lors un poste d'enseignante dans une école de Dowagniac, comté de Cass, dans le Michigan. D'abord sceptique sur ses capacités scolaires et par le fait qu'elle soit la première professeure noire de l'histoire de l'école, l'administration est vite rassurée et chante ses louanges. Priscilla se montre en effet douce et attentionnée avec ses élèves qu'elle aura durant plus de sept ans. 
 Mariée en 1957, elle met au monde deux fils et divorce très rapidement. En secondes noces, elle épouse William Scott et accouche d'une fille, Wynter, en 1962.
 En 1963, elle se présente aux élections de l'université pour en être une administratrice, mais  est battue. Autre mauvaise nouvelle, elle divorce et manque d'abattre son mari. Les deux sont blessés. La police, heureusement pour elle ne retiendra aucune charge contre elle. Malgré tout, elle perd son emploi suite au scandale à l'université.
 C'est dès 1970 que son comportement commence à changer et devient de plus en plus bizarre comme l'attestent les témoignages de sa famille et de ses amis. Elle raconte, par exemple, avoir vu son mari de l'autre côté de la rue ( son second mari est mort le lendemain de leur séparation) et avoir parlé à l'âme d'Adam et de Jésus-Christ.
 Elle se met à fumer de l'herbe, à boire de l'alcool et commence à en donner à sa fille en lui disant que c'est un sacrément religieux, que la marijuana est "l'arbre de vie".
Quand son fils qui est à l'armée rentre à la maison en 1972, il trouve sa mère délirante et en proie à l'alcool.
 A son fils Franklin, elle affirme être en communication avec Eilenn G. White, une prophétesse de l'église des Adventistes dont elle pense être la réincarnation.
 Elle survit en faisant des petits boulots comme femme de ménage ou serveuse et tente de convaincre une autre de ses filles de se droguer.
 En 1972, elle raconte qu'elle a été invitée à la Convention Républicaine pour y prononcer un discours sur les prophéties d'Ellen White. Le service de sécurité l'expulse dès son arrivée et elle raconte alors à ses amis dans des lettres, que c'est le diable qui l'a empêché de parler.
 L'année d'après Priscilla Ford déménage dans la ville de Reno, au Nevada, se fait arrêter trois fois en état d'ébriété et finit par se rendre volontairement à l'institut de santé mentale où elle est traitée.
 En 1974, elle est arrêtée pour intrusion dans une propriété privée et se voit à nouveau envoyée à l'institut. Elle travaille quelques temps comme cuisinière chez Joan Austin et se fait renvoyer quelques semaines plus tard.  Priscilla tente alors de l'agresser. Sa fille Winter, âgée de 11 ans lui est alors enlevée par des travailleurs sociaux et placée à l'orphelinat de Wittenberg après que Priscilla ait tenté de la faire inséminer pour qu'elle donne naissance à un nouveau Christ. Cet acte met Priscilla dans une rage folle. Pour elle, on lui a kidnappé sa fille.
 Elle part pour New York, entame une vie de bohême, et demande l'aide de l'association de Charité Catholique.
 Une des religieuses qui la reçoit la décrit comme "délirante". En effet, Priscilla lui a dit qu'elle était Jésus-Christ réincarné et qu'on devait l'appeler "Révérend Dr Priscilla Ford".
  Elle porte plainte contre l'église adventiste arguant que celle-ci cherche à lui infliger des angoisses mentales et physiques et leur réclame 500 000 000$.
 En 1978, elle est internée à l'hôpital psychiatrique de Blackfoot, en Idaho où le corps médical lui diagnostique une schizophrénie paranoïde. 
 Deux ans plus tard, Priscilla déménage dans le Maine,à Jackman. 

 La tuerie de masse

 Nous sommes en 1980.
 La gérante de motel dans lequel dort Priscilla Ford lui dit de recommencer à zéro et d'oublier son passé. Il semble que celle-ci se soit décidé d'aller dans ce sens puisqu'elle se met à fréquenter les agences immobilières avant de rebrousser chemin, et de partir à Bangor, toujours dans le Maine. Elle se trouve un appartement et se lie d'amitié avec une voisine.
 "Priscilla était quelqu'un d'étrange. Un jour, elle m'a montré un manuscrit de deux cent à trois cent pages qui était une sorte d'autobiographie remplie d'allusions religieuses."
 N'ayant toujours pas pu récupérer sa fille, elle décide de prendre un avocat, Thomas Delanty à qui elle dit : "Si je ne suis pas aidée, je vais traverser l’État et tuer tous les gens que je verrais en chemin".
 
 Priscilla est en route pour San Francisco. Sur son chemin, elle décide de s'arrêter à Reno pour y encaisser un chèque. Finalement, après réflexion, elle se dit qu'elle aimerait y rester quelques temps et trouve un travail temporaire comme emballeuse dans la chaine de magasin Macy's. Un homme la prend en pitié lorsqu'elle lui raconte qu'elle vit dans sa voiture. Il lui propose d'habiter gratuitement un appartement sur Virginia Street qu'il est en train de remettre en état. Il n'y a pas de salle de bain, mais qu'importe, pour Priscilla c'est un toit. Elle accepte la proposition. Le soir, au retour de son travail qui va durer deux semaines, elle boit et rumine sur sa situation et l'injustice de sa vie.

 Et arrive le 27 novembre fatidique.
 Il fait 8° degrés Celsius dehors, c'est jeudi et c'est Thanksgiving pour les américains.
 A 14h57, il y a beaucoup de monde dans les rues dont de nombreux touristes. Les passages pour piétons en ardoise du centre-ville ne sont pas encore conçus, pas plus que les boites à fleurs violettes et les poubelles qui donneront à Virginia Street son caractère.
 L'odeur de la dinde rôtie, du jambon cuit, du pain se diffuse dans l'air ambiant. Au coin de la rue se trouve le club Cal-Neva, une First National Bank.
 Un homme-sandwich diffuse son annonce sous une affiche ou est écrit en grand "Reno, la plus grande petite ville du monde".
 Par le sud remonte une Lincoln Continental bleue de 74.
 La mort est derrière le volant et elle s'appelle Priscilla Ford, 51 ans.
 Elle mesure 1m62, pèse 56kg, a les yeux bruns et les cheveux mi-longs. Son taux d'alcoolémie est de 0.16 au-dessus de la limite légale.
 Une minute plus tard, la Lincoln atteint le coin qui fait l'angle entre Second Street et Virginia Street.

 A 14h59, la voiture heurte le trottoir à 32 km/h, puis accélère rapidement et monte à 60km/h. Elle traverse le passage pour piétons de la deuxième rue et arrive sur le trottoir qui longe les clubs Harrah's, Nevada Club et Harold's Club.
 La Lincoln revient sur Virginia Street, traverse la voie en direction du sud et s'arrête deux blocs plus loin au feu rouge.
 Quand elle redémarre, Priscilla Ford fonce et renverse sur son passage cinq personnes qu'elle tue sur le coup. Elle ne s'arrête pas là et continue sa course meurtrière, renversant 24 autres personnes qui seront envoyées par la suite dans deux hôpitaux (Washoe et St Mary's).
 Des panneaux de signalisation, des parties de corps, des vêtements et leurs propriétaires jonchent le sol. Des freins hurlent, les voitures s'entrechoquent pour éviter les gens blessés.

 «On aurait dit que quelqu'un était allé dans les rues avec une tondeuse à gazon pour faucher des gens», déclare plus tard au journal La Gazette, une Canadienne qui a assisté au massacre depuis l'hôtel-casino Onslow.  "Cela ressemblait à un champ de bataille - il y avait des corps partout."

 Et puis la voiture, d'un coup s'arrête.
 Le massacre est terminé.
 "Elle est venue directement à nous, elle est venue vers nous avec un corps encore sur le capot de la voiture, et elle regardait comme si elle cherchait quelqu'un d'autre à frapper.", dira le policier qui l'arrête aussitôt.
 A celui-ci, Priscilla se présente ainsi : "Je m'appelle Jésus-Christ".

 L'officier Oakes passe environ cinq heures en compagnie de Priscilla Ford. La chose la plus remarquable qu'il a remarquée chez elle était son calme mêlé de son manque de sensibilité.

 "Elle m'a regardé et a demandé :" Combien de personnes ai-je tuées ? "Je lui ai répondu :" Cinq ou six. "Elle a dit : "Bien. Plus il y en aura, mieux ce sera. Ca occupera les pompes funèbres. " Elle était très placide. Comme si c'était un jour comme un autre.  Elle agissait de manière pharisaïque".
 La police n'oublie pas en emmenant Priscilla Ford de brancher la caméra vidéo de la voiture pour montrer à quel point elle est placide devant les évènements.

 Procès

 En décembre 1980, elle est inculpée de six chefs de meurtre au premier degré et de vingt-trois chefs de tentative de meurtre.
 Le juge ordonne le mois suivant qu'elle soit traitée à Lake's Crossing afin qu'elle puisse assister à son procès. Le 29 avril, elle reçoit l'ordre d'être soumise à un traitement médicamenteux et psychologique.
 Le 4 août 1981, la sélection du grand jury s'opère.
 Elle plaide non coupable pour cause de folie, mais cela est rejeté et le procès s'ouvre le 12 novembre de la même année.
 Il dure cinq mois, soit le plus long et le plus cher de l'histoire de Reno à cette époque.
 Un officier vient témoigner et rapporte les propos de Priscilla Ford "Elle m'a dit : Je suis professeur à New York. Je suis fatigué de la vie. Je veux de l'attention, j'en ai marre des problèmes. En juin 1980, une voix m'a dit de traverser une foule et d'en tuer autant que possible. "
 La meurtrière racontera elle-même son geste  : "Je voulais m'offrir un repas de Thanksgiving dans un petit restaurant que je connais, dans mon quartier de South Virginia Street mais il était fermé. J'ai dû me contenter d'un déjeuner de fête avec du fromage et des crackers, et de deux litres de vin bon marché. Puis je suis restée un moment assise à réfléchir en me disant qu'ils aillent tous se faire foutre. Je me suis installée au volant de la Lincoln en cherchant la foule (...). j'avais l'instrument entre les mains, et je le contrôlais. En ce qui me concerne, c'est la Lincoln qui a agi. Je n'ai fait que la diriger vers la foule. (...) Cela ne m'a rien fait de les tuer. C'étaient juste des porcs allant à l'abattoir. J'ai entendu la voix de Joan Kennedy m'ordonnant de trouver des gens pour tous les écraser".
 Joan Kennedy, l'épouse du sénateur Edward Kennedy dont la voix n'existait que dans la tête de Priscilla Ford.  
 Témoignant elle-même, Priscilla dira au jury qu'elle croyait être la réincarnation de Jésus et donc incapable de pécher.

 Le 20 mars 1982, un jury composé de sept hommes et de cinq femmes la déclare coupable pour tous les chefs d'accusation. Condamnée à mort par gaz le 29 mars, elle a cette déclaration "Je voudrais qu'on me laisse seule pour mourir en paix".
 Elle est alors enfermée dans le couloir de la mort dans la prison d'Ely, au Nevada durant 18 ans.
 18 ans durant lesquels, elle et ses avocats vont faire appel de la décision, sans succès.
 C'est une détenue très calme, qui ne fait pas d'ennui.
 Grosse fumeuse, elle meurt d'un emphysème à l'âge de 75 ans au Centre correctionnel pour femmes, le 29 janvier 2005.