New York : Lawrence Ray, leader d'une secte au coeur du Sarah Lawrence College

Un escroc new-yorkais et ami d'un ancien chantre de la police de New York sous Giulani est devenu le chef de file d'une secte semblable à NXIVM au sein du Sarah Lawrence College : l'homme a retourné le cerveau de sa fille et de ses amis pour qu'ils suivent ses prétendus enseignements d'ordre sexuel  et émotionnel.

Lawrence Ray, 59 ans, né à Bay-Ridge, condamné pour fraude liée aux valeurs mobilières en 2003, aurait incité de brillants étudiants à suivre son soi-disant programme d'amélioration personnelle, qui consistait surtout à contrôler tous les aspects de leur vie en les persuadant de lui donner de l'argent et d'avoir des rapports sexuels.

Certains étudiants ont pu échapper à la secte, mais d’autres restent sous le charme de Lawrence Ray.

Le début du culte a vu le jour en 2010 lorsque Lawrence Ray a emménagé avec sa fille Talia et ses amis de 19 ans dans un dortoir sur le campus de Bronxville ainsi que dans un appartement de l'Upper East Side qu'il avait loué pour les vacances scolaires. L'homme venait de sortir de prison après avoir été emprisonné pour avoir violé sa libération conditionnelle dans une affaire de fraude en 2003.

Selon sa fille, Lawrence Ray aurait été envoyé en prison alors qu'il cherchait à la sauver de sa mère violente et de sa sœur cadette. Son incarcération était le résultat d’une corruption du gouvernement pour lequel son père avait travaillé. Talia, qui avait grandi dans le New Jersey était devenue de facto la dirigeante de son groupe d'amis.

Lentement, le gourou a détourné les sept adolescents qui composaient le groupe, les persuadant de suivre des séances de pseudo-thérapie et de lui divulguer leurs traumatismes d’enfance.
 

Lawrence Ray leur préparait à manger et pendant que les ados déjeunaient, il leur racontait des histoires où il se faisait passer pour un ancien agent de la CIA qui avait récupéré des missiles Stinger du marché noir et instauré un cessez-le-feu au Kosovo. Il aimait prêcher les valeurs du corps des marines et faisait souvent référence à ses relations avec de hauts officiers américains.

Avec les adolescents, il pouvait se montrer charmant.  «Il faisait le ménage et prenait le rôle de père dans la maison", explique Julia Anna, l'une des colocataires de Slonim 9. "Il nous projetait le documentaire Cosmos de Carl Sagan dans la salle commune. Les étudiants étaient allongés par terre et on regardait le film tous ensemble. La nuit, Lawrence se retirait pour dormir sur un matelas pneumatique installé dans la chambre de Talia ou dormait sur le canapé de la salle commune."

Parmi les étudiants qui suivaient les préceptes de Lawrence Ray, il y avait Daniel Barban Levin, qui se cherchait dans sa sexualité ;  Claudia et Santos qui luttaient tous deux contre la dépression. Une autre colocataire, Isabella, connaissait, elle, une mauvaise passe après une rupture qui avait eu lieu peu de temps après l'arrivée de Ray dans leur vie.

Lawrence Ray a affirmé aux étudiants qu'il pouvait les aider, qu'il connaissait des techniques pour discipliner l'esprit, à base d'une formation qu'il avait lui-même reçu du gouvernement. Il a donc commencé à conseiller quelques-uns des colocataires de sa fille, y compris Isabella, la meilleure amie de Talia.

Isabella était venue au Sarah Lawrence grâce à une bourse d'études. Après sa rupture, elle a semblé trouver consolation en compagnie de L. Ray. «J’ai 19 ans, j’avais beaucoup de difficulté à comprendre les choses, je n’étais pas au bon endroit», déclare-t-elle aujourd'hui. "Il a commencé à m'aider et à donner un sens à ce qui me posait souci."
Le petit ami de Talia à l'époque se souvient d'avoir vu Larry et Isabella allongés ensemble sur le lit de Talia. Larry caressait les cheveux d’Isabella, essayant de la calmer et lui disant " Personne ne fera de mal à ma petite fille ", a rapporté celui-ci. Lawrence a dit qu’il allait dormir dans la chambre d’Isabella, un arrangement qui a mis le petit ami mal à l'aise. "Vous agissez comme si j'allais coucher avec elle", lui a répondu alors l'homme devant son air surpris, "mais je vais dormir par terre. Elle a besoin de quelqu'un pour la soutenir et l'aider. "
"Isabella était fragile psychologiquement. Tout ceux qui étaient là étaient fragiles", poursuit le petit ami.

En décembre, la nuit précédant les vacances de Noël, Larry appela la famille d'Isabella. Selon la tante de celle-ci, Larry aurait dit à sa mère qu’elle avait été agressée sexuellement dans son enfance par un ami de la famille et que si Isabella rentrait chez elle, elle pourrait se suicider. La mère d’Isabella fut prise de court. Elle avait été très proche de sa fille et ne l'avait jamais entendue parler d'agression. «Vous avez laissé cela lui arriver», a déclaré Larry à la mère d’Isabella, selon sa tante.

Isabella a finalement passé les vacances d’hiver avec Larry, Talia et le petit ami de Talia dans un appartement située sur la 93e rue Est, appartenant à Lee Chen, un vieil ami de Larry. Talia et son petit ami ont dormi dans le salon, tandis qu'Isabella et Lawrence Ray partageaient la chambre. «Une fois dans l'appartement, il contrôlait tous les aspects de notre vie», explique le petit ami. "Quand nous devions manger, ce que nous faisions, quand nous allions nous coucher."
Lawrence Ray a même dit au petit ami de Talia de cesser de prendre ses médicaments antipsychotiques. Le comportement de Larry a tellement troublé celui-ci qu’il a rompu avec Talia dès la fin des vacances de Noël.

Lawrence Ray est retourné ensuite sur le campus Slonim 9 durant le semestre de printemps, passant la plupart de ses nuits dans la chambre d’Isabella. Ces «réunions à la maison» et ces «dîners de famille» se sont poursuivis et, pour certains, ont commencé à devenir obligatoires. Une nuit, Larry rassembla tout le monde dans la salle commune et commença à faire des conférences sur Q4P, une philosophie basée sur la supposition que toute l'énergie de l'univers est alimentée par la «quête de potentiel». 

Mais s'il pouvait se montrer comme un père avec eux, il pouvait également se montrer cruel. Tout geste, même anodin, contraire aux préceptes de Lawrence Ray pouvaient conduire de sa part à des punitions.

Daniel Barban Levin, un étudiant, a déclaré que Ray l’avait forcé à porter un «collier»  en aluminium autour des testicules et qu’il avait menacé de le démembrer avec un couteau. Levin, qui avait des doutes sur sa sexualité, a déclaré avoir déjà été contraint de porter une robe et de se faire pénétrer avec un gode devant ses camarades.
Il est partit du campus en 2013.

Lawrence Ray aurait également manipulé certaines des étudiantes pour qu'elles aient des relations sexuelles avec lui, parfois en groupes.

«Il n'y avait pas de consentement », a déclaré Levin au sujet notamment d'Isabella. "[Elle] a pu semblé vouloir faire ce qu'il demandait, mais [Ray] était en train de la manipuler."
Pour tenir les étudiants sous sa coupe, Lawrence Ray les avaient convaincu d’une théorie du complot généralisée au sein du gouvernement qui cherchait à le faire taire.

Mais qui est Lawrence Ray ?

L'homme est né sous l'identité de Lawrence Grecco (il a finalement pris le nom de son beau-père) à Bay Ridge, à Brooklyn, en 1959. Il semble qu'il ait toujours vécu dans le flou, à la fois professionnellement et socialement. Il traînait autour de politiciens, de hauts responsables militaires, de restaurateurs et de propriétaires d'entreprises.
Salvatore «Sally Dogs» Lombardi, un capo de la famille génoise de la mafia, a même assisté à son mariage en 1988. 

«Larry était un caméléon», raconte une de ses connaissances. «Il pouvait se montrer aux autres comme étant un bon garçon, un patriote, et puis il changeait d'apparence, adoptait la pipe, les fausses lunettes et se faisait passer pour un intellectuel. Il fréquentait dix personnes différentes en même temps, racontant à chacune d’elles une histoire différente  et les convaincant de ce qu'ils voulaient entendre."

Lawrence Ray a travaillé à Wall Street au début des années 80 alors qu’il n’avait pas de diplôme universitaire. Il est ensuite devenu consultant dans les secteurs de l’assurance, de la construction, de la finance et du jeu. Il a affirmé être co-propriétaire d'un restaurant italien populaire, où il a organisé des collectes de fonds pour les politiciens, dont une pour Patrick Kennedy en 1993. Il a également été copropriétaire du Malibu, une discothèque de Scotch Plains, dans le New Jersey.

Selon des informations officielles, il a fait un séjour de courte durée dans l'armée (19 jours) en 1981 avant d'en partir. Mais il racontera plus tard avoir côtoyé  de nombreux hauts militaires comme le général Charles Pitman et le commandant à la retraite de la marine, James L. Jones.
Au début des années 90, Lawrence Ray avait tenté de percer dans le milieu de l’économie et avait même passé un contrat avec la CIA. Il a également affirmé à plusieurs reprises que des responsables de l'OTAN l'avaient envoyé à Moscou en 1999 pour mettre fin à une campagne de bombardement au Kosovo, même s'il avait, de l'aveu de son propre chef, pas participé à la guerre. Lawrence Ray présentait une lettre à en-tête officiel de l'OTAN le remerciant de ses efforts pour avoir «assurer une bonne communication et une bonne entente entre nous et les dirigeants russes».  

Parmi toutes les relations de Lawrence Ray figurait en 1995, le jeune détective de la NYPD, Bernie Kerik promu au poste de directeur de la division des enquêtes du département de la correction de la ville de New York sous Rudy Giulani. Kerik était impressionné par Larry, qui possédait un charisme machiste et avait de précieux contacts. Les deux sont devenus rapidement amis. 

En Russie, Larry s'était lié d'amitié avec Pavel Palazhchenko, l'interprète de longue date de Mikhail Gorbatchev. En 1997, Lawrence Ray et Kerik avaient accueilli Gorbatchev lors de la visite de l’homme d’État à New York, où il s’occupait de la sécurité et du transport. Lorsque Gorbatchev s'est arrêté à Los Angeles, Lawrence a même orchestré une rencontre entre Gorbatchev et Robert De Niro. 

Kerik a présenté ensuite Lawrence Ray à certaines de ses relations dans les forces de l'ordre, et notamment à un agent du FBI, Gary Uher. Ray a affirmé pouvoir fournir à Uher des informations sur ses contacts avec la mafia. Uher a donc engagé Larry comme informateur. Les deux hommes ont commencé à se rencontrer trois ou quatre fois par semaine.  Selon les rapports du FBI, l’agence a payé environ 10 000 dollars US pour l’installation d’un système de sécurité au domicile de Larry.

Les rapports, cependant, dépeignent Lawrence Ray comme un informateur peu fiable. Après quelques années de travail avec Larry, Uher s'est rendu compte que celui-ci s'était servi de son rôle d'informateur du FBI pour couvrir sa propre implication dans le projet du capo de la mafia, Garafola.  

En mars 2000, les procureurs fédéraux à Brooklyn ont inculpé 19 personnes, dont Larry, pour leur implication dans une fraude sur titres. Lawrence Ray a alors été accusé d'avoir accepté de verser un pot-de-vin de 100 000 dollars à un courtier en obligations pour le compte de Garafola. Les procureurs ont reconnu qu'il avait fourni des informations utiles au FBI, mais rien qui n'avait aidé l'enquête de manière significative. En fait, ils ont affirmé qu'il avait menti à plusieurs reprises au FBI.
Ray a finalement plaidé coupable et a été condamné à cinq ans de probation.

En 2004, son épouse, Teresa, a demandé le divorce. Quelques mois plus tard, Teresa a appelé la police à leur domicile et a affirmé que Lawrence l'avait frappée. Une source proche de la famille a déclaré que lorsque la police est arrivée, Larry et Talia, alors âgée de 15 ans, ont accusé Teresa de violences sur enfants. Le département de la protection de l’enfance du New Jersey a confié à Lawrence la garde temporaire. Au cours des mois qui ont suivi, le ministère a reçu plusieurs plaintes anonymes accusant Teresa de violences physiques et sexuelles. Talia a également accusé son grand-père, son cousin et sa tante de l'avoir maltraitée. Lawrence a créé des sites Web et publié des accusations d'abus commis sur des enfants contre Teresa et sa famille. 

Les enquêteurs de la protection de l'enfance ont déterminé finalement que les allégations contre Teresa étaient sans fondement. Selon une évaluation psychologique des membres de la famille commandés par les avocats de Teresa et soumis au tribunal, Lawrence Ray  a été jugé" capable de manipuler et de contrôler presque toutes les situations dans lesquelles il se trouvait, y compris un entretien psychologique ».  Le rapport poursuit en affirmant que Larry " était un homme calculateur, manipulateur et hostile."

En 2006, Lawrence Ray a  été arrêté après que sa petite amie de l'époque l'ait accusé de l'avoir emprisonnée dans son appartement, de l'avoir coincer et d'avoir cherché à l'étouffer.  Après avoir été libéré sous caution, Lawrence a parlé à un détective qui, dans son rapport, a écrit que celui-ci lui avait déclaré "être actuellement impliqué dans une" enquête majeure du gouvernement "et que cet incident de violence conjugale a été inventé de manière à le placer sous un mauvais jour. ”
Son ex-amie a finalement retiré sa plainte et l'affaire a été classée.

L’arrestation pour violence domestique a été une des raisons pour laquelle les procureurs fédéraux ont fait valoir en 2007 que Lawrence avait violé sa probation. Le gouvernement l'a alors déclaré fugitif et les marshalls américains ont passé des semaines à le chercher. Finalement, ils ont retrouvé son téléphone portable dans l'appartement de Chen, situé dans la 93ème rue est. Cinq marshalls ont enfoncé la porte et ont trouvé Larry et Talia à l'intérieur. Les marshalls ont plaqué Lawrence Ray au sol et l'ont menotté, lui cassant le bras. Selon le Washington Post, un marshall s'est rappelé avoir entendu Talia crier : «La corruption de la police! C'est à cause du maire Rudy Giuliani et de Bernard Kerik! "

Finalement il a finit par être relâché au bout de trois ans d'emprisonnement et a alors commencé à se transformer en gourou et à attirer à lui de jeunes étudiants pour mieux les exploiter.

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Référence :
- Tamar Lapin - The New York Post - https://nypost.com/2019/04/28/con-became-nxivm-like-cult-leader-at-sarah-lawrence-college-report/
- Ezra Marcus et James D. Walsh - The Curt-  https://www.thecut.com/2019/04/larry-ray-sarah-lawrence-students.html

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