C'est un étudiant en psychologie. Il se rêvait "tueur en série" et pour voir ce que cela faisait, il a tué un homme et en a blessé un autre.
Adrien Botollier, 24 ans, apprenti tueur en série, col de chemise amidonné, phrasé poli a comparu au mois de janvier 2020 devant la Cour d'Assises de Chambéry pour le meurtre de Moustapha Hamadou, un homme qui lui avait demandé son chemin.
L'étudiant aurait pu, effectivement, devenir un tueur en série s'il n'avait été arrêté. Le jeune adulte a en effet une personnalité extrêmement inquiétante, ne ressent aucun affect, n'a aucune empathie pour son prochain et présente une froideur extraordinaire, digne de ses idoles.
Irrécupérable ?
D'après les experts qui l'ont examiné, la réponse est oui.
Enfance
Fils d’un cadre à l’usine des Eaux d’Evian, et d’une maman employée aux thermes de la ville, la jeunesse d'Adrien Botollier a été une époque bénie. Il vit avec ses parents et sa jeune sœur à Lyaud, un village résidentiel situé à une quinzaine de kilomètres de Thonon-les-bains. La maison est belle, avec sa cheminée centrale et son grand jardin, au pied des barrières montagneuses. Adrien fait du vélo, il est beau garçon, gai. Il passe ses années de collège comme une simple formalité.
Puis arrive l'heure du lycée. C’est le début de l’adolescence. Adrien se constitue une bande de 6 ou 7 copains, avec lesquels il fait les 400 coups. Ils vont ensemble au lac, organisent des pique-niques, vident leurs premières cannettes de bières.
Et puis il y a Marie, une petite blonde un peu fofolle et craquante qui habite le village voisin. Adrien en tombe raide dingue amoureux. On les voit alors ensemble, main dans la main. Sur les sentiers de promenade ou dans les soirées avec les copains, ils ne se lâchent pas. Trois années s’écoulent ainsi. Sur son temps libre, Adrien s’engage auprès des sapeurs-pompiers locaux. Il décroche son bac S sans forcer. Tout semble rouler et pourtant, c’est là que vont s’achever ses années heureuses.
Son premier choc, c’est le divorce de ses parents. Finie la belle maison aux pieds des montagnes. Adrien part vivre à Thonon, dans le nouvel appartement de sa mère.
Début 2014, Marie (ou Laura) lui annonce qu’elle le quitte. Cette claque-là, Adrien ne l’avait pas vu venir. Même le retour de l’été ne parvient pas à le consoler. « Elle m’a largué. J’ai tout essayé pour rien. Je le vis mal. » C’est l’hiver. La nuit est tombée. Dans son studio d’étudiant, à Chambéry, Adrien envoie ce premier SMS à l’un de ses potes. Puis un second, à un autre ami : « Je risque de faire la balançoire au bout d’une corde. Je rêve d’elle toutes les nuits. Je ne dors plus. » C’est le premier grand chagrin d’amour d’Adrien Bottolier. Son entourage est persuadé qu’il va s’en remettre vite. Comment imaginer qu’à 19 ans, son existence entière vient de basculer…
Pour l'avocate qui va le défendre à son procès, c'est en 2013 que la personnalité d'Adrien a changé : " Sa petite amie a avorté, et l'a quitté. Il a souffert ensuite d'une grave polyarthrite. Il a dû abandonner son rêve de devenir pompier, alors qu'il voulait sauver des vies. Cette colère, cette frustration qui est en lui va alors exploser." Dans ces moments-là, raconte-t-il, « une haine, une colère, une sorte de rage » l’envahissent ; il a « du mal à respirer, la vue qui se trouble, le champ de vision qui rétrécit ». Alors il met des coups de poing dans les murs, se taillade le corps.
Arrive alors l'année 2015. C'est le saut dans l’autre monde qui s'amorce.
Le 20 mai 2015, Adrien Botollier ne trouve pas le sommeil. Près de lui dort sa nouvelle petite amie, Diane. Adrien est en première année de psychologie à la fac de Chambéry et ses pensées sont submergées d'images sanglantes. A son entourage, il ne dit rien des pensées qui l'assaillent, mais il se confie néanmoins à une canadienne, Manon, via les réseaux sociaux. A Manon, il raconte sa fascination pour les tueurs en série, Hannibal Lecter, lui dit qu'il lui arrive de se grimer en Joker (le personnage incarné par Joaquin Phoenix au cinéma), ou en personnage du film "Orange Mécanique".
Sur Facebook, à son amie canadienne, il écrit : "Je comptais attendre l'année prochaine pour recommencer mais pour te prouver ma sincérité, ça arrivera plus tôt."
"Je suis un monstre. Si j'en crois mes cours de psycho, je suis un sujet destructeur à tendance violente. Je pourrais finir dans les livres d'histoire comme le tueur en série le plus prolifique. Un psychologue tueur en série".
Dans la nuit du 20 au 21 mai 2015, dans le jardin du Verney » à Chambéry, il passe à l'action.
Il se saisit d'un couteau de table, le glisse dans la poche de son manteau. Sa petite-amie alors endormie dans la chambre entend la porte de l'appartement claquer.
"Je n'ai pas pu me retrouver seul pour me scarifier, alors je suis sorti errer dans Chambéry, avec l'espoir que mes pulsions meurtrières s'arrêtent là", relate le jeune homme, qui avait pris l'habitude de se taillader afin de "garder le contrôle" de son corps atteint par la polyarthrite.
Dans la rue, il tombe sur Mostapha Hamadou, 51 ans, un SDF très alcoolisé et sous curatelle renforcée, bipolaire qui vit chez sa sœur depuis qu’il a quitté le centre où il suivait une cure de désintoxication. Une cure moyennement efficace : le 20 mai 2015, la vidéosurveillance de Chambéry capte tout de sa longue soirée d’errance et d’ébriété dans les rues du centre-ville, ponctuée d’une sieste dans une cage d’escalier. A 3 h 42, Mostapha Hamadou titube quand un jeune homme de 20 ans l’aborde. Il vient de rencontrer Adrien Botollier.
Le jeune homme discute quelques minutes avec lui, lui roule une cigarette et lui demande son chemin. L'homme ne se méfie pas, lui confie qu'il n'a ni femme ni enfant. Pour Adrien, c'est une validation à son crime, une barrière qui pouvait encore le retenir qui saute. Mostapha ne se méfie pas de ce garçon fluet. Il a tort. Adrien Botollier lui porte un premier coup à l’œil. "J'espérais qu'en touchant le cerveau, ce serait terminé en un instant". Mais vont suivre 27 autres coups de couteau dans le corps.
En rentrant chez lui, il se met à rire comme un fou, les mains encore ensanglantées. En dépit des apparences et du pantalon baissé, il affirme qu'il n'y a eu "aucune composante sexuelle dans ce crime", se rappelant simplement avoir eu une relation sexuelle avec sa petite amie à son retour.
"Je me suis coupé de toutes mes émotions, pour que personne ne se rende compte de rien. Alors que j'avais l'impression d'avoir sur moi un panneau clignotant sur lequel était écrit 'assassin'".
A son amie du Canada, il envoie les jours suivants le lien internet d'un article parlant de son crime: "C'est moi ça (...) Je suis un tueur, c'est fou, non ?"
Le 21 mai 2015, au matin, deux employés municipaux vont découvrir le cadavre de Mostapha.
Le crime est parfait. Les enquêteurs ont beau chercher, ils n'ont relevé aucun indice. Pas d’ADN, pas d’empreinte, pas d’arme, pas de témoin, pas de vidéo surveillance sur le lieu du meurtre et, donc, pas de piste ni de suspect.
La même année, le 26 décembre, Adrien Botollier se joint à un groupe de clients dans un bar de Thonon-les-Bains, le Bodega. Il sympathise avec l'un d'eux et lui propose de poursuivre la soirée en prenant un verre chez lui. Fodil B., la future victime comprend très vite qu'il a affaire à un homme "étrange" quand Adrien lui raconte avoir tué un homme à Chambéry. C'est en prenant la fuite qu'il va se prendre deux coups de couteau.
Le 5 janvier 2016, les policiers de Thonon-les-Bains (Haute-Savoie) livrent la solution à leurs collègues de Chambéry. Un homme de 33 ans, poignardé dans leur ville par un jeune, et qui s'est fait conduire à l'hôpital par un automobiliste vient de leur raconter que son agresseur s’était vanté auprès de lui d’avoir déjà tué en faisant référence au meurtre du Verney.
Arrêté, Adrien Bottolier est interrogé en février 2016. Il a 21 ans et affirme que le soir du crime, il avait emporté une lame « pour voir ce que ça faisait de tuer quelqu’un ». Après son meurtre, il a écrit à son amie canadienne « j’ai enfin trouvé le crime parfait », « pour la première fois, mes délires meurtriers ne sont plus des délires, tu me crois si je te dis que j’ai tué cette nuit ? » "Je ne me suis jamais senti aussi vivant, mais si tu as l'occasion, mets moi en prison".
Pour appuyer ses dires, il lui a fait suivre une photo d’un couteau maculé de sang.
Procès
Celui-ci a lieu le 27 janvier 2020 à la Cour d'Assises de Chambéry. Adrien Bottolier raconte qu'il a rompu le contact avec son père qui le maltraitait, et qu'il s'est scarifié à la suite de sa relation amoureuse chaotique avec Marie "Les pulsions sont apparus, elles me disaient de tuer. Au début, je pouvais les écarter par les scarifications. Ça me permettait de reprendre le contrôle, et je me sentais mieux." .
"Je constate aujourd'hui que c'est un malade" raconte Aïcha, la sœur de Mostapha Mamadou. Mais pas question pour elle de le plaindre : "j'attends qu'il ait une lourde peine. Je refuse qu'il soit interné en psychiatrie. Ou alors qu'il soit suivi, mais en prison".
« Pendant tout ce procès, j'ai attendu d'Adrien Bottollier l'expression d'une émotion, d'une souffrance. Et ce n'est pas venu. Ce qui m'a marquée, c'est cette froideur, ce détachement, cette distanciation. À aucun moment je ne l'ai vu pleurer sur les victimes » explique l'avocate générale qui rappelle qu'Adrien Bottollier n'a laissé aucune chance à Mostapha Hamadou : « Il lui a asséné 28 coups de couteau. Il a tué pour tuer. Sans autre mobile. Comme une expérience. Juste pour prendre du plaisir et en être fier. Il a traité Monsieur Hamadou de déchet. Il a nié toute humanité à la victime ».
L'altération du discernement du jeune homme a été retenue par les jurés à l'issu du procès.
Au terme du celui-ci, l'étudiant de 24 ans va être condamné le 31 janvier, à 25 ans de réclusion criminelle pour assassinat et tentative de meurtre. et à un suivi socio-judiciaire de 15 ans à sa sortie de détention.
Cette décision de justice a aussi rapproché le père et son fils.
Raymond Bottollier n'a pas vu son fils Adrien depuis son arrestation pour assassinat. À l'énoncé du verdict, les deux hommes ont craqué. "Même dans ces actes là on arrive encore à trouver de l'amour [...] Il m'a dit qu'il voulait me revoir. Ça fait trois ans que je ne l'ai pas vu. Je voulais qu'il comprenne que je n'acceptais pas, je n'accepte toujours pas son acte" raconte très ému ce père. Dans un sanglot, Raymond Bottollier, déchiré intérieurement réalise qu'il va enfin revoir son fils, même si c'est en prison.
Cette fin de procès a été vécue "comme un soulagement" pour la victime de Thonon-les-Bains, "une délivrance" pour le père d'Adrien Bottolier. Dans les deux camps, ressort en tout cas le sentiment d'une justice juste, une justice rendue aux victimes.
______________________________
Adrien Bottollier, l'étudiant en psychologie qui se rêvait tueur en série "psycho-criminologie.com"
Sources :
- https://france3-regions.francetvinfo.fr/auvergne-rhone-alpes/savoie/chambery/chambery-adrien-bottollier-etudiant-qui-tue-sdf-condamne-25-ans-reclusion-1781551.html
- https://www.francebleu.fr/infos/faits-divers-justice/de-prison-pour-adrien-bottolier-l-assassin-du-parc-du-verney-a-chambery-1580388302
- https://www.francebleu.fr/infos/faits-divers-justice/assassinat-du-parc-du-verney-je-n-imaginais-pas-cette-atrocite-1580147583
- http://www.leparisien.fr/faits-divers/frederic-la-victime-qui-a-survecu-a-l-etudiant-tueur-de-chambery-c-etait-un-jeune-homme-poli-29-01-2020-8247978.php
- http://www.leparisien.fr/faits-divers/mort-d-un-marginal-a-chambery-l-etudiant-tueur-condamne-a-25-ans-de-prison-30-01-2020-8249034.php
- https://www.bfmtv.com/police-justice/savoie-aux-assises-il-se-revoit-en-train-de-rire-comme-un-fou-apres-son-meurtre-1848732.html#xtor=AL-68
Commenter cet article