Il faisait partie de la trentaine de jihadistes français libérables en 2019.
Condamné à six de mois de prison supplémentaires en mai dernier, Flavien Moreau est sorti de prison, ce lundi 13 janvier 2020.
L'homme de 32 ans est le premier français jihadiste à avoir été condamné pour un départ en Syrie. Pour cela, en novembre 2014, il avait écopé de sept ans de prison pour "association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte de terrorisme".
Flavien Moreau est parti avant la vague d'attentats qui a frappé la France à partir de 2015 et avant l'instauration du califat autoproclamé de l’État islamique, en 2014. C'était en novembre 2012 et le jeune homme alors âgé de 25 ans faisait partie des premiers candidats étrangers au jihad en Syrie.
"Je n'ai fait qu'un peu de surveillance et un peu de police"
"L'islam français est frelaté, le Conseil français du culte musulman travaille avec le gouvernement. Pour moi, c'est l'ennemi de l'intérieur, presque pire que les mécréants", confie-t-il alors au journaliste du journal Le Temps. "L'islam vrai, c'est le jihad. C'est une priorité de se battre pour défendre la religion et la propager. Le reste, c'est bidon."
Abdel Fattah – son nom de guerre, selon Le Temps – se met en quête de passeurs, d'une kalachnikov et de munitions pour rejoindre des groupes terroristes à Atmé, petite ville syrienne tenue par des rebelles. Il atterrit finalement dans un groupe de combattants francophones à Idleb.
La suite, Flavien Moreau la raconte lors de son procès, le 17 octobre 2014. "Je n'ai fait qu'un peu de surveillance et un peu de police". La raison de son départ de Syrie ? "J'avais mal fait mon paquetage et j'avais envie de fumer, j'aurais dû me sevrer avant", justifie-t-il alors.
Ce titulaire d'un CAP de boulangerie qui manie mal les armes ne s'intègre en fait pas à sa "katiba" et rentre en Europe, comme le fait savoir Catherine Fournier de France Info, près avoir été expulsé de Turquie fin novembre. Mais celui qui répond à de multiples surnoms – "Adam", "Le Chinois" ou "Abou Souleyman" – n'a de cesse de vouloir regagner le front. Il ignore que les services de renseignement, alertés par l'article du journaliste du Temps, le suivent à la trace.
Entre début décembre et fin janvier, Flavien Moreau tente de repartir en Syrie à plusieurs reprises, via l'Allemagne, la Tunisie, la Bulgarie et le Liban.
"Au début, je ne savais pas pourquoi et après, j'ai trouvé ça bien, voilà"
Les policiers de la DCRI le cueillent à la sortie d'un hôtel à Paris le 28 janvier. Deux lingots, huit pièces d'or et 5 080 euros en liquide sont trouvés sur lui. Flavien Moreau est placé en détention provisoire à Fresnes (Val-de-Marne).
Né en Corée du Sud en 1986, Flavien Moreau est adopté à l'âge de 2 ans, avec son grand frère Nicolas, par un couple de Nantais. Son père dit avoir assisté, impuissant, à la métamorphose d'un adolescent timide et doux en fanatique. La fratrie sombre dans la délinquance lorsque les parents divorcent. L'adolescence est chaotique. Flavien Moreau est condamné pour la première fois à l'âge de 19 ans, pour détention et usage de stupéfiants. Au même moment, il découvre la religion musulmane au contact d'un "colocataire" à Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais) et se convertit à son retour à Nantes.
"Au début, je ne savais pas pourquoi et après, j'ai trouvé ça bien, voilà", explique-t-il lors de son procès, avançant un "goût pour la justice d'Allah". Dans les années qui suivent, les condamnations s'enchaînent : treize au total jusqu'en octobre 2012, pour des vols avec violence et port d'armes. Flavien Moreau se radicalise au fur et à mesure de ses trois séjours en détention, où il demande lui-même à être placé à l'isolement et où il s'abreuve des images du conflit en Syrie grâce "à la télé", rapporte Catherine Fournier.
Avant et après son arrestation, Flavien Moreau ne perd jamais contact avec son grand frère Nicolas, lui aussi converti à l'islam et radicalisé. A la fin de son procès, le cadet confie d'ailleurs que l'aîné est en Syrie. Nicolas Moreau, 14 condamnations à son actif, est resté un an et demi sur place, de janvier 2014 à juin 2015, avant d'être arrêté en Turquie et transféré en France. Ce marin-pêcheur de formation a été condamné à dix ans de prison en décembre 2016.
La détention de Flavien Moreau est parsemée d'incidents. Dans un courrier adressé à sa mère, il écrit : "Je ressors plus déterminé. Allah est le plus grand stratège." A Fresnes, il insulte et menace les surveillants qui trouvent à plusieurs reprises des armes artisanales dans sa cellule.
Retrouvailles carcérales avec son frère
A Vendin-le-Vieil (Pas-de-Calais), où il est transféré en septembre 2018, Flavien Moreau refuse de passer par le quartier d'évaluation de la radicalisation (QER). Il est placé alors en quartier disciplinaire, où il menace de "planter" des surveillants. Transféré à la prison de Condé-sur-Sarthe, Flavien Moreau passe le reste de sa détention à l'isolement. L'arrivée de son frère dans la prison provoque un peu de grabuge, la fratrie souhaitant être rapprochée.
Et une fois libéré ?
Comment sera-t-il pris en charge maintenant qu'il est libre ? Selon France Info, Flavien Moreau va faire l'objet d'une surveillance judiciaire pendant onze mois et dix-huit jours (c'est-à-dire qu'il devra pointer tous les jours) à compter de sa libération. Il recevra également des convocations régulières par le juge d'application des peines spécialisé dans l'antiterrorisme en charge de son suivi et le service d'insertion et de probation (Spip) de Loire-Atlantique. Il est également soumis à une obligation de soins, doit fixer sa résidence dans un lieu donné et a interdiction de porter une arme. Flavien Moreau devrait également être inscrit au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions terroristes (FIJAIT), qui l'obligera, pendant dix ans, à justifier de son adresse tous les trois mois et à déclarer tout déplacement à l'étranger.
Du côté administratif, Flavien Moreau continuera à être surveillé par les services de renseignements le temps nécessaire, via une unité spéciale de suivi, rattachée à l'Unité de coordination de la lutte antiterroriste (Uclat), et créée en juillet 2018.
Son frère, Nicolas Moreau, devrait passer, lui, encore plusieurs années en prison avant de rejoindre son frère à l'extérieur.
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Sources :
- France Info
- AFP
- Le Temps
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