À Guéret, une femme se glisse dans l’embrasure d’Intermède 23, à l’abri des regards. Élodie , 44 ans, rejoint Aurélie et Sonia pour un temps d’échange. Comme pour se libérer d’un poids. Rompre l’isolement est ce qui l’a sans doute empêché de quitter le domicile conjugal plus tôt.
« Sans Internet, je ne sais pas si j’en aurais eu le courage. J’avais peur de la réaction des gendarmes. C’est compliqué de porter plainte contre le père de ses enfants. » Élodie est restée quatorze ans avec son mari.
Dans son cas, elle a subi des violences verbales. « Je ne faisais jamais rien de bien. J’étais bonne à rien. » Elle ne se souvient plus très bien quand cela a commencé. C’est allé crescendo. C’est vrai qu’il était pas mal absent le week-end pour ses loisirs. Mais la famille devait caler son emploi du temps sur le sien. « Un manipulateur qui fait la loi à la maison », décrit-elle. Élodie raconte avec des sanglots dans la voix comment les insultes ont commencé. Le stress, la peur. « Quand on rentrait après lui, on essayait de trouver une excuse avec mes filles… »
Le déclic survient au décès du père d’Élodie. Son mari refuse qu’elle s’y rende. Puis accepte, à condition de la suivre. Un an après, elle réussit à faire ses bagages, au prix de nombreux chantages comme celui du suicide. Puis il commence à monter ses deux filles contre elle. Manipulant la plus jeune, sous prétexte qu’ainsi, il y aurait une chance que sa maman revienne.
Aurélie décrit aussi un mari possessif. « Le pire, c’est que ces hommes donnent une bonne image d’eux à l’extérieur ». Au début, la trentenaire ne s’en rendait pas compte. Elle était « amoureuse » et lui passe tout. Elle réalise que son entourage a alors essayé de l’aider mais ils se sont « lassés. » Aurélie s’est retrouvée isolée avec un époux qui lui tapait dessus. « Il était alcoolique et je me suis repliée sur moi. »
Un jour, alors qu’elle reconduit sa meilleure amie chez elle, son mari se lance à sa poursuite. Aurélie finit sur le bas-côté. Puis il va lui traîner la tête sur le goudron. Des automobilistes s’arrêtent mais personne n’intervient. Elle s’en sort avec un traumatisme crânien. « Je ne pouvais plus ouvrir les yeux. » Aurélie ne porte pas plainte. Son mari s’excuse, il ne recommencera plus. « J’y ai cru, c’était génial pendant un mois. Puis les coups sont repartis. »
Aurélie tente de lui échapper après qu’il l’a frappée au ventre alors qu’elle est enceinte de sept mois. Elle accouche seule. Puis revient. « C’est un engrenage. » Après un répit de plusieurs mois, ça recommence.
Les gendarmes passaient devant, ils l’ont arrêté. « À l’époque, je croyais que c’était ma faute si mon enfant était tombée. »
À sa sortie de prison. Elle lui offre une dernière chance. Mais quand il commence à s’en prendre à son plus jeune garçon, elle donne l’alerte. Et s’enfuit.
Le problème, souligne Aurélie, est que c’est la victime qui est obligée de partir. « J’ai dû quitter le département, changer de téléphone, me cacher. » Et ses enfants souffrent de cet éloignement familial. D’autant plus que la situation se répétera une deuxième fois. Son nouveau compagnon, tout doux au début, va aussi s’en prendre à ses enfants. Et là : rebelote, elle doit de nouveau changer de vie. De département. Et ce n’est pas fini…
Et de décrire « des travailleurs sociaux manipulés par le père ou qui ne comprennent pas cette violence. Ils voudraient que l’on retourne là-bas ! » Aujourd’hui, elle estime être davantage entendue par la société mais elle doit encore se battre pour conserver la garde de ses enfants.
Aurélie raconte qu’elle est encore contrôlée. Inspectée. « J’ai un fils qui vit avec la crainte permanente d’être placé. Il ne comprend pas pourquoi, nous, victimes, nous avons à subir ça ! »
Une situation que dénonce aussi Sonia en pleine procédure judiciaire. Outre le dénominateur commun de l’isolement, « il y a l’après départ » de la maison : c’est-à-dire la lourdeur de la procédure judiciaire et des décisions de justice qu’elle n’estime pas toujours favorables à la victime. Son premier mari, violent, a été condamné à du sursis.
Puis en 2005, elle rencontre quelqu’un de bien, a priori. Elle prend le temps. Ils vivent séparément. Font construire une maison ensemble. La vie est un long fleuve tranquille pendant huit ans, jusqu’à ce qu’elle arrête de tout payer. « Il profitait de l’argent de mon divorce. » Il s’en prend à elle, après l’avoir isolé de ses deux filles.
Elle dépose plainte. Le quitte. Mais se retrouve chassée du foyer. « Parce que c’est un notable et manipulateur, le partage n’est toujours pas fait. Il fait traîner la procédure depuis 2013. » Ce que regrette Sonia, en colère, c’est cette omerta ou ce soutien qu’elle soupçonne fourni à ces hommes, « le notaire est de son côté » et ce malgré la double fracture du nez qu’elle a subie. « La justice n’est pas juste. Elle devrait être pareille pour tous. »
Alors, Sonia continue à se battre, tout comme Élodie qui n’a toujours pas obtenu la garde exclusive de ses deux filles et a même dû vivre dix mois sans elles. « Il a obtenu de belles attestations car il dit que c’est moi qui suis folle. Il a manipulé la petite et l’a même kidnappé un soir. »
Seulement comme le confirme Karin Garnier, animatrice d’Intermède 23, « tant qu’il n’y a pas eu de décision de justice, la femme n’a aucun droit. » Élodie a fini par obtenir la garde alternée, malgré un signalement à la juge des enfants car le rapport a souligné la manipulation et la destruction de l’image maternelle. Elle attend toujours des nouvelles de ses deux plaintes. « On est encore punie. C’est un vrai parcours du combattant ». Ce qui les rend moins patientes.
En attendant, son mari n’a pas encore versé de pension alimentaire. « On en vient à se demander s’il ne valait pas mieux rester ! »
Témoignage tiré du journal "La Montagne"
Source :
- https://www.lamontagne.fr/gueret-23000/actualites/trois-creusoises-victimes-de-violences-conjugales-racontent-leur-parcours-du-combattant_13702512/
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