La plus jeune membre de la famille Manson avoue : «s’il pouvait tuer des étrangers, il pouvait me tuer». Dianne Lake avait 14 ans lorsqu'elle a été recrutée par Charles Manson.
Ce mois d'août 2019, marque le cinquantième anniversaire sordide des meurtres de la Famille Manson dont certains membres se sont faufilés dans des demeures de Los Angeles pour y perpétrer neuf meurtres. Entre le 25 juillet et le 9 août 1969, les adeptes du musicien raté Charles Manson ont assassiné Sharon Tate, alors enceinte, et ses quatre invités, puis ont poignardé un directeur de supermarché, son épouse couturière, et un autre homme.
Un demi-siècle plus tard, l'affaire fascine toujours autant. Le mois dernier, Quentin Tarantino a réinventé les meurtres de la Famille Manson dans son neuvième film, Once Upon a Time in Hollywood, qui est sorti en salles le 26 juillet. Un nouveau documentaire, Manson : Une musique d'esprit malade, examine les talents musicaux modestes du criminel et ses ambitions.
Dianne Lake, une enseignante en éducation spécialisée à la retraite de Northridge, en Californie, a fait des apparitions dans le documentaire et est interprétée par l'actrice Sydney Sweeney, dans le film de Tarantino. À 14 ans, Lake était la plus jeune membre de la famille Manson et la principale témoin des procès qui ont conduit Charles Manson et certains de ses partisans à la prison.
Elle raconte dans une interview comment elle est arrivée dans la famille Manson.
Comment se déroulait votre vie au Minnesota ?
J'ai déménagé en Californie à l'âge de 12 ans, en 1965, en provenance du Minnesota. Mon père était un artiste. Il peignait des maisons pour manger. Mais il voulait vraiment être un artiste. Il est allé à l’école des beaux-art et en est ressorti diplômé. Il voulait aller à Berkeley, quand les Beats sont sortis - Jack Kerouac, Allen Ginsberg, toute cette équipe de Berkeley. Il voulait les rejoindre. Il voulait aller à l’Université de Berkeley pour obtenir sa maîtrise en art afin de pouvoir enseigner. C'était en 1962. Il a donc vendu notre maison et acheté une roulotte. Mais notre voiture ne pouvait pas la tirer et nous avons fini dans un parc à roulottes.
Avez-vous eu des frères et sœurs?
Oui. Je suis l'aînée de trois.
Comment était votre vie alors ?
J'allais en bus pour aller à l'école. Je ne pense pas que mon frère était encore à l’école, ma sœur ne l’était certainement pas. J'ai fait ma deuxième année là-bas. Puis mon père a eu un mécène. Quelqu'un qui l'a pris sous son aile. Ils nous ont installés dans une belle maison dans un quartier agréable et l'ont aidé à trouver un studio et à promouvoir son art. Mon père travaillait principalement à l'huile et à l'acrylique. Il a fait des aquarelles. C’est très abstrait. Certainement les faisait-il sous emprise du LSD. Les choses se sont vraiment bien passées pour mon père pendant deux ans. Mais il fumait et il a accidentellement brûlé son studio. Cela l'a plongé dans une grande dépression. Il a commencé à trop boire et à sortir avec d'autres femmes. Il a fini par quitter ma mère et nous avons dus partir.
Comment vous êtes-vous retrouvé dans une communauté ?
Mon père est allé à San Francisco. Il s'est retrouvé à Santa Monica, où il a obtenu un poste d'Art Display Manager. Il a en quelque guéri de sa dépression et nous a demandé de revenir. C’est à ce moment-là que nous nous sommes envolés pour la Californie et que nous avons emménagé dans la maison de Santa Monica. À la fin de ma huitième année, au début de 1967, mon père a commencé à travailler avec un journal local appelé The Oracle. C'était un journal hippie de San Francisco. Certains des membres du journal ont emménagé avec nous. C’est à ce moment-là qu’ils ont eu l’idée de «se retirer» de la société.
À la fin de l'été, nous somme partis le long de la côte. Nous avons dormi à Will Rogers Beach, mais la police est passée et nous a dit que nous ne pouvions pas y camper plus de deux semaines. Nous avons donc déménagé à Zuma Beach et j'ai rencontré cet autre couple qui nous a invités à vivre avec eux. J'ai pris de l'acide là-bas; nous étions tous sous acide - j’avais 14 ans - et lors d'un voyage sous acide, j’ai senti que Dieu sortait des nuages et me disait: "Il est temps que tu quittes la maison." J'ai emménagé avec ce couple que j'avais rencontré. Mais bon, il y a eu des abus. L’homme avait 26 ans.
Ils vous ont maltraité ?
L'homme et moi avons commencé à avoir des relations sexuelles, puis sa femme a rejoint le groupe. Puis mes parents m'ont demandé si je voulais aller avec eux à Big Sur. J'ai dit oui. C'est là que j'ai rencontré ce gars de San Francisco.
Quand tu as quitté tes parents, t'es-tu légalement émancipé ?
Ce n’était pas légal. Ils m'ont écrit une lettre disant que je pouvais vivre avec ce couple. Je l'ais gardé dans ma poche des années durant.
À quel moment as-tu rencontré Charlie Manson ?
Après San Francisco, je suis retournée dans la communauté de mes parents. Ils étaient contents de me voir. Mais les dirigeants de cette communauté - Hugh Romney et Bonnie Jean - ont eu une conversation avec moi. Ils ont dit qu’ils ne voulaient pas de moi là-bas, car j’étais une mineure sexuellement active. Puis j'ai rencontré des personnes qui m'ont entraîné à une fête. Ils m'ont dit «Hé, nous allons à cette fête à Topanga. C’est une communauté et nous souhaitons que tu rencontres ce mec génial. »Je suis donc partie. En arrivant à la fête, j'ai vu ces filles qui couraient vers moi et qui criaient : «Dianne! Dianne! Charlie! Dianne est là! »Je me suis alors demandé comment ces filles me connaissaient. Il s'est avéré qu'elles connaissaient la communauté de mes parents lorsque j'étais à San Francisco et qu'elles y avaient rencontré ma famille. Mais Hugh Romney n'a pas aimé Charlie. Ils l’appelaient «Black Bus Charlie». Ils ne l’aimaient pas. Ils n’aimaient pas son ambiance.
C'est comme ça qu'ils le surnommaient ?
Exactement : Black Bus Charlie. Avant que ce soit la famille Manson, c'était Black Bus Charlie. Quoi qu'il en soit, il est venu à la communauté et s'est lié d'amitié avec mon père, qui était plus accueillant que les autres. Ils ont fini par faire un voyage ensemble dans le désert, et c’est là que ma mère lui a donné ma photo. Apparemment, ils allaient aller à San Francisco, et moi j'étais à San Francisco, et elle avait perdu le contact avec moi. Alors, elle leur a donné ma photo et leur a dit: "Eh bien, si vous voyez ma fille, cherchez à savoir comment elle va !"
As-tu décidé immédiatement de rester dans la Famille Manson ?
Non, pas tout de suite. J'étais mitigée. Je ne savais pas si je voulais rejoindre cet autre groupe. J'avais été arrêtée avec eux alors que je me trouvais à Malibu et j'ai fini en cellule. C'était effrayant.
Pourquoi avez-vous été arrêté à Malibu ?
Parce que j'étais mineure et que je trainais dans les rues. Mes parents ont réussi à donner au tribunal une sorte d'excuse plausible pour expliquer les faits. Quand j'ai été libéré, mon père s'est mis en colère. Je les avais rendus vulnérables. Mais Charlie m'a pris sous son aile. C'était gentil. Comme je savais que je n'étais pas la bienvenue dans la communauté de mes parents, je suis alors allée avec la famille. C'était en novembre 67.
Combien de temps es-tu restée avec eux ?
Deux ans. Parce que nous avons été arrêtés en octobre 1969.
Les gens bougeaient beaucoup ? Il y avait de nouvelles personnes qui entraient dans la famille, d'autres qui en sortaient ? Quel genre de personnes y avez-vous rencontrées ?
Quand je suis arrivée, il y avait Charlie et un autre gars nommé Larry. J'étais la sixième fille, donc nous étions peut-être neuf personnes au début. J'étais la plus jeune. Nous habitions dans plusieurs maisons différentes à Topanga. Puis ensuite nous avons trouvé le Spahn Ranch. Squeaky [Lynne Fromme] s'est occupée de George [Spahn]. Nous vivions à l'avant du Ranch, car il y avait une autre communauté. À cette époque, la famille grandissait et diminuait. Ça fluctuait.
A quel moment as-tu choisi ton pseudo ? (Les membres de la Famille Manson devait se prendre un surnom afin de laisser leur précédente vie derrière eux)
La famille l'a choisi pour moi, mais j'en étais l'instigatrice. Il faisait chaud, et je réfléchissais à quoi ressemblerait un serpent rampant dans l’herbe haute et fraîche. J'en parlais aux filles dans la cuisine, puis Charlie a entendu la conversation - ou les filles lui ont dit. Cet à partir de ce moment-là que je me suis fait appeler Snake.
Un des thèmes sous-jacents du documentaire est que la musique était la principale ambition de Charles Manson. Est-ce vraiment ce qui était au centre de la communauté ?
Totalement. Il avait un répertoire d'environ 80 chansons écrites en prison. Tous les soirs, presque sans faute, tous les soirs, nous nous mettions en cercle, nous apprenions les chansons et nous les chantions. Il parlait un peu de la vie, du fait d'oublier ses parents et d'éliminer nos inhibitions - toutes ces choses de sa philosophie absurde. Ses Charlie-ismes. Je pense qu'il y croyait vraiment. Il voulait être une rock star, mais il voulait être une rock star pour l'argent. Il voulait vraiment répandre sa philosophie. Quand Dennis Wilson (des Beach Boys) est entré dans nos vies - si Dennis lui aurait dit de monter sur scène avec une carotte au nez, il l'aurait fait.
Tu as rencontré Dennis Wilson ?
Non, mais je suis allée à un concert de Beach Boys. J'y suis allé avec une petite amie et nous avons eu des laissez-passer en coulisses. C'était cool. Dennis sortait avec sa bande et je me suis mise à côté de lui et j'ai dit : «Salut Dennis, tu te souviens de moi? Je faisais partie des filles qui était chez vous avec Manson. » Un regard de terreur s'empara de son visage et il est monté aussitôt dans la voiture.
Alors, après avoir passé deux ans avec la Famille Manson, comment as-tu entendu parler des meurtres? Qu'est-ce que ça t'a fait ?
J'étais dans l'arrière-maison lorsque Leslie [Van Houten] est rentrée chez elle après ce qui s'est révélé être le meurtre des LaBianca. Elle a brûlé quelque chose dans la cheminée. Je me suis réveillée à cause de cette horrible odeur. C'est là que j'ai su.
Qu'est-ce que tu veux dire ?
Charlie les avait envoyés vêtus de noir pour y casser des meubles, y manger de la nourriture. Autant que je sache, ils n’ont rien volé. C'était comme un jeu. Puis, cet après-midi là ou le lendemain, Tex [Watson] m'a montré un journal et il m'a dit: «C'est ce que j'ai fait. Charlie m'a dit de le faire. » J'ai eu peur. J'avais peur de partir. S'il pouvait tuer des étrangers, il pouvait me tuer. C’est ce que j’ai ressenti. Je venais d’être arrêtée pour fugue et j’avais passé 24 heures en prison. Quand je suis rentrée au camp, Tex m'a montré ce journal, mais il l’a fait d'une manière menaçante. Peu de temps après, nous étions dans le désert, et les filles m'ont parlé de leur participation.
Combien de temps après ont-ils été arrêtés ? Juste après ?
Les meurtres ont eu lieu en août. Nous avons été arrêtés vers le 10 ou le 12 octobre. Il y a eu deux raids. J'ai été arrêté avec le second. Mais nous avons été arrêtés pour avoir brûlé une niveleuse, pas pour les meurtres. La police n'avait aucune idée de ce que la Famille avait fait. Quand ils nous ont arrêtés, Sadie avait un mandat d'arrêt contre elle, alors ils l'ont emmenée dans une autre prison de Los Angeles. C'est là qu'elle a commencé à parler à ses co-détenues de Charlie et de cette "guerre de race".
Alors elle a avoué.
Ouais. Elle l'a dit à ses co-détenues et aux gardes. À ce moment-là, je n’avais dit à personne mon vrai nom, mon âge ou quoi que ce soit du genre. Nous étions tous dans la même cellule, alors toutes les autres filles m'avertissaient de ne rien dire si on nous interrogeait. Alors, quand ils nous ont emmenés à Los Angeles pour témoigner devant le Grand Jury pour des mises en accusation, c’est la première fois que je me sentais suffisamment en sécurité et en assez bonne santé pour dire : je suis Dianne Lake. J'ai 16 ans et je veux ma mère, je veux sortir de ce pétrin. Je n'ai rien fait, sortez-moi de là.
Et ils l'ont fait! Ils m'ont isolé. Parce que j'étais mineur. Ils m'ont envoyé dans un établissement psychiatrique pour observation pendant 90 jours. Après cela, ils ne savaient pas vraiment quoi faire de moi, mais je me débrouillais bien là-bas. Ils ont donc décidé que je pouvais être un témoin viable. Mon agent qui a procédé à l'arrestation a fini par me prendre en famille d'accueil. C'était incroyable. Il m'a rendu mon estime de soi. Je suis devenue une étudiante. J'ai eu mon permis de conduire. J'ai appris à skier, car tous les étudiants devaient se rendre à Monmouth le vendredi. J'ai joué de la flûte dans la fanfare, fait partie d'un groupe de jazz, tout ça.
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Source :
Propos issus de l'interview de Tarpley Hitt- The Daily Beast- https://www.thedailybeast.com/the-manson-familys-youngest-member-tells-all-if-he-could-kill-strangers-he-could-kill-me?ref=scroll
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