Procès de Nxivm: Keith Raniere, le «grand maître» de la secte perçu comme une "sorte de Dieu"

Keith Raniere perçu comme une "sorte de Dieu" par ses adeptes

Le début du procès de Keith Raniere a permis de comprendre comment il aurait contrôlé ses nombreux partisans.

Keith Raniere connu sous le nom de Vanguard, ou parfois le Maître ou le Grand Maître, auprès de ses disciples de Nxivm était considéré comme la personne la plus sage qu'ils aient jamais rencontrée. Celui qui se surnommait l'étudiant éternel portait une longue ceinture blanche qui pouvait être interprétée comme un signe de supériorité et d'humilité. Être en désaccord avec lui était perçu comme une forme d'hérésie ou, dans le jargon de ses disciples, une "brèche" qui nécessitait une pénitence. 

Le procès pour racket de Raniere, cofondateur de Nxivm dans les années 1990 dans une banlieue d’Albany, a commencé il y a déjà quelques jours. Mais les témoignages de deux anciens partisans ont déjà permis de comprendre comment Keith Raniere aurait exercé une influence et contrôlé ses nombreux partisans.

Les jurés de la Cour fédérale du district de Brooklyn ont entendu M. Raniere - qui a plaidé non coupable d’actes de complot, de travail forcé, d’extorsion et de traite à des fins sexuelles - et qui est décrit comme un homme de bonne intention, un prédateur sexuel ayant maltraité des femmes et des adolescents, et un fantaisiste qui se voyait au centre d'une vaste conspiration gouvernementale.

Quel que soit le point de vue adopté, il semblerait impossible d'exagérer son pouvoir sur les personnes liées à Nxivm.

«J'ai été impressionné par ce que je considérais être comme étant un modèle intellectuel», a déclaré un ancien membre du Nxivm, Mark Vicente, cette semaine. "Au moment où tu le voyais, c'était un peu comme si tu voyais, une sorte de dieu."

Au tribunal, Keith Raniere s'est montré impassible, prenant des notes avec un crayon jaune ou regardant la barre des témoins tout en portant des lunettes et un pull épais loin d'un look de rock star.
La procureure, Tanya Hajjar, a déclaré au jury que, bien que Mr. Raniere ait présenté Nxivm comme une organisation destinée à autonomiser les gens, il n'était en fait rien moins qu'un «escroc» qui souhaitait contrôler les autres, et en particulier les femmes.

«Il a ciblé les personnes qui cherchaient à améliorer leurs vies», a déclaré Mme Hajjar. "Il les a lentement attirées avec des promesses de succès, d'argent, de meilleures relations, et une fois qu'il a gagné leur confiance, il les a exploitées."

L’avocat de Keith Raniere a répliqué alors lors de sa plaidoirie que son client n'était qu'un homme qui avait voulu construire une «famille heureuse» d’étudiants et d’adhérents. Les gens ont rejoint le groupe dans le but de vouloir améliorer leurs vies et acquérir une discipline ou un code de déontologie renforcé, a déclaré l'avocat, Marc Agnifilo. Si Raniere était parfois dur avec eux, a-t-il dit, c'était uniquement parce que c'était quelque chose qu'ils voulaient et pour lequel ils s'étaient «inscrits».

"Il est vrai que certaines parties de cette affaire sont incompatibles avec votre propre moralité.", a déclaré M. Agnifilo aux jurés, ajoutant: "Je vais défendre ses intentions, je vais vous montrer sa bonne foi. "

Les déclarations et témoignages de la semaine ont décrit ce que M. Vicente a appelé le «mal» caché à l’intérieur du groupe, montrant l’ampleur du contrôle exercé par M. Raniere sur ses disciples.

Mme Hajjar a fait savoir aux jurés que Raniere avait commencé une relation sexuelle avec une fille de 15 ans, et que celle-ci était présente lorsque le gourou avait eu des relations sexuelles orales avec une femme aux yeux bandés attachée à une table.

Un ancien responsable de la secte en décrit les rouages inhumains

Mark Vicente a témoigné quant à lui que Keith Raniere était perçu comme l'architecte intellectuel de Nxivm. Il fournissait des dizaines de cours, pour lesquels les participants avaient payé des milliers de dollars pour y assister.

Il a ajouté que ces programmes - (qui comprenaient le fait d'applaudir, saluer et rendre hommage à Keith Raniere) - incluaient des membres de Nxivm portant une écharpe. L'écharpe indiquait leur rang : blanc pour les étudiants, orange pour les surveillants, vert pour les surveillants seniors. Comme les étudiants, Raniere portait une ceinture blanche, mais sa longueur était le double de celle-ci, comme pour montrer sa supériorité intellectuelle.
Les nouveaux participants jugés particulièrement prometteurs se voyaient accorder une audience avec M. Raniere.

Un document intitulé «Déclaration de mission en douze points» et  écrit par Keith Raniere, servait de cadre directeur au sein du groupe et incluait des mantras du type «Je ne choisirai pas d'être une victime», «l'hommage est une forme de rémunération et d'honneur». Il demandait également aux membres «de garder toutes ses informations confidentielles».

"C'est une fraude, c'est un mensonge", a déclaré Mark Vicente, un ancien membre de Nxivm, à propos de ce document devant la Cour fédérale du district de Brooklyn. "Ce vernis bien intentionné couvre un horrible mal."

M. Vicente, cinéaste et ancien haut responsable de Nxivm, a déclaré qu'il avait rejoint le groupe il y a plus de dix ans, mais il s'est finalement rebellé contre Keith Raniere à propos de certaines de ses pratiques. "Je me sentais pris au piège à l'intérieur du groupe". Il a expliqué aux jurés comment l'organisation fonctionnait et comment elle était structurée.

Les rangs au sein de l'organisation comprenaient des entraîneurs, des surveillants et des préfets, chacun portant une ceinture colorée jaune, vert, bleu et or selon leur rang. Les gens ont été encouragés à gravir ces échelons avec ce qu'on appelle le «sentier des bandes», ce qu'ils pouvaient faire en partie en inscrivant d'autres personnes dans des cours, a-t-il déclaré.

Un conseil exécutif, qui comprenait au fil des ans des personnalités telles que Clare Bronfman, héritière des alcools Seagram, et Emiliano Salinas, fils d'un ancien président du Mexique, supervisaient plusieurs divisions portant des noms tels que Commerce et Humanities.

Vicente a ensuite cité ou décrit une panoplie vertigineuse de groupes, de programmes, de «modules» et d’autres formations relevant de Nxivm qui avaient également leurs propres identités et fonctions.
Les groupes comprenaient Jness (pour les femmes), la Society of Protectors (pour les hommes) et les programmes Executive Success. Les cours avaient des noms comme Compassion et Civilization.

Les programmes d'enseignement, dont Mr. Vicente dit qu'ils sont enseignés dans tout le pays, pouvaient coûter jusqu'à 7 500 dollars et avaient pour objectif de montrer aux gens comment surmonter leurs peurs.   

Keith Raniere s'est présenté comme un «renonçant» ou quelqu'un qui évitait les biens matériels, a déclaré Mr. Vicente. Mais Raniere encaissait un pourcentage des bénéfices de certaines opérations pour financer ce qu’il appelait  «la recherche scientifique».

M. Vicente a déclaré que Mme Bronfman avait versé 40 000 dollars par mois pour aider à obtenir des brevets pour les inventions de Keith Raniere. M. Vicente n'a pas précisé combien avaient réellement abouti. Il a également rapporté que Raniere avait fait placer des caméras à l'extérieur du domicile de certaines personnes liées à Nxivm. Selon Vicente, elles étaient là sûrement pour «nous surveiller, nous les membres de la communauté».
Keith Raniere pensait également qu'il était espionné, mais par le gouvernement cette fois. "Il était une menace pour la société", a déclaré M. Vicente. "Il m'a dit qu'il était surveillé tout le temps."

Mr Vicente, dont le témoignage se poursuivra lundi 13 mai, a également déclaré que Mr. Raniere et lui-même avaient discuté de projets de films, dont celui intitulé "Les crimes contre le carbone", selon lequel le réchauffement climatique serait un "mythe complet" et un " moyen de gagner de l'argent. "

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