Au moins 55 détenus ont été tués ce dimanche et lundi 26 et 27 mai, dont un certain nombre par strangulation, dans une vague de violences qui s'est déroulée dans les prisons du nord du Brésil, pays au système pénitentiaire surpeuplé et gangréné par les rivalités sanglantes entre bandes.
Lundi, au moins 40 détenus ont été retrouvés morts dans quatre prisons de l’État septentrional de l'Amazonas, et le bilan aurait pu être bien plus lourd sans l'intervention des forces de l'ordre, selon les autorités.
Dans un de ces établissements, une rixe entre détenus avait déjà fait 15 morts dimanche.
Tous les prisonniers tués lundi "montrent des signes de décès par asphyxie", a annoncé dans un communiqué le Secrétariat de la sécurité publique d'Amazonas, apparemment après strangulation.
L'administration pénitentiaire a ensuite expliqué que l'intervention rapide de la police militaire dans les prisons avait permis d'éviter "près de 200 possibles victimes".
Au moment où des troupes de choc pénétraient dans les cellules, des prisonniers étranglaient d'autres détenus, a précisé la même source dans un communiqué.
"Alors que les troupes avançaient, (les détenus) étaient en train de tuer les personnes", a déclaré le secrétaire à l'administration pénitentiaire Vinicius Almeida.
"Je viens de parler avec le ministre (de la Justice et de la Sécurité publique) Sergio Moro, qui envoie une équipe d'intervention dans les prisons dans l'Amazonas, pour qu'il puisse nous aider dans ce moment de crise", a annoncé le gouverneur de l'Etat Wilson Lima, dans un communiqué.
Trois des quatre prisons où sont survenus les décès sont très proches les unes des autres et situées non loin de Manaus, la capitale de l'Amazonas.
Au moins 25 des victimes retrouvées lundi étaient des détenus de l'Institut Pénal Antonio Trindade.
Dans le Complexe pénitentiaire Anisio Jobim (Compaj), quatre détenus ont été retrouvés morts lundi. Quinze prisonniers avaient déjà été tués dimanche dans cet établissement, théâtre en janvier 2017 d'une rébellion sanglante qui avait duré une vingtaine d'heures et avait fait 56 morts, un des pires massacres de l'Histoire dans des prisons brésiliennes.
Cinq autres détenus ont été retrouvés morts lundi dans le Centre de détention provisoire pour hommes et six autres dans la prison de Puraquequara.
Asphyxie
Les détenus morts dimanche, lors des premières violences, ont été tués durant les heures de visite en parloir.
"C'était des rixes entre détenus. Il n'y avait jamais eu de morts durant les visites", a déclaré à la presse le colonel Marcos Vinicius Almeida, un responsable pénitentiaire local.
"Certains décès ont été causés par asphyxie, d'autres par perforation à l'aide d'objets aiguisés comme des brosses à dents", a-t-il ajouté.
Le secrétaire à la Sécurité publique de l'Amazonas, Louismar Bonates, a expliqué au quotidien Folha de S. Paulo qu'il s'était agi d'un "affrontement entre deux groupes organisés du pénitencier, qui ont des conflits entre eux, et qui ont profité du moment des visites familiales".
Avec près de 727.000 détenus recensés en 2016, le Brésil compte la troisième population pénitentiaire du monde, souvent secouée par des drames.
La capacité des prisons est deux fois moindre, environ 368.000 places, dans ce pays de près de 210 millions d'habitants qui est l'un des plus violents au monde.
"Conditions effroyables"
Les prisons brésiliennes sont généralement sordides et en proie à une violence endémique entre bandes organisées.
La crise ne date pas d'aujourd'hui et menace de s'aggraver alors que le gouvernement d'extrême droite de Jair Bolsonaro a promis la guerre à la criminalité sans pour autant annoncer de programmes de construction de prisons.
La violence est nourrie par "des conflits intenses" entre factions criminelles qui se battent pour la suprématie à l'intérieur mais aussi à l'extérieur des établissements carcéraux, estime Juliana Melo, experte des prisons au Brésil.
En l'absence de "changements structurels", les prisons "continuent d'être le théâtre de sérieuses violations des droits de l'homme", dit à l'AFP Mme Melo, professeure à l'Université fédérale de Rio Grande do Norte.
"Les conditions sont effroyables, avec une majorité de prisonniers qui sont pauvres, noirs, sous-éduqués et marginalisés".
Dans un récent rapport, l'ONG Human Rights Watch déplorait elle aussi l'état des prisons au Brésil.
"La surpopulation et les sous-effectifs en personnel font qu'il est impossible pour les autorités carcérales de maintenir l'ordre dans de nombreuses prisons, ce qui expose les prisonniers à la violence et à être recrutés par les gangs" pour recevoir une protection, déplorait HRW.
AFP
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