« Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs » (Déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen, 1793). Cette phrase permet-elle aux Black Blocks de légitimer leur action et de valider leur réaction sociale face aux gouvernements ? Michel Dobry (Sociologie des crises politiques, 2009) a montré que l’existence d’une crise politique engendre une « conjoncture fluide » qui modifie les relations entre les acteurs sociaux par l’effet de « l’incertitude structurelle » à laquelle les gens se trouvent confrontés. (G. Jakobs « Aux limites de l’orientation du droit: le droit pénal de l’ennemi », 2009). Mais si le phénomène Black Blocs a montré combien il était présent et capable de se fondre dans le mouvement social français des Gilets Jaunes, doit-il être véritablement mêlé à celui-ci ? Pour Alain Bauer, criminologue, il n'en est rien "les professionnels Black Blocks ont profité du mouvement, mais ont aussi profité de cette crise pour agrégé de nouveaux militants". |
Mais les Black Blocs, c'est quoi au juste ?
Le mouvement des Black Blocs a vu le jour initialement en Allemagne au début des années 1980 (L’expression « black bloc » est une traduction de « schwarze block», nom donné par la police allemande pour désigner les groupes autonomes qui, dans les années 1980, se sont affrontés aux forces de l’ordre lors de manifestations étudiantes à Berlin, notamment). Également d'inspiration libertaire, les black blocs fonctionnent, eux, sans hiérarchie ni organisation autre que celles qui sont décidées au sein de ce qu'ils appellent « groupes d’affinité », ce qui rend d’ailleurs compliquée pour la police la répression tant préventive que dure de leurs membres. Si l'on regarde la définition donnée par Olivier Cahn ( Maître de conférences à l’Université de Cergy-Pontoise), il définit les Black Blocs comme étant de « regroupements ponctuels d’individus ou de groupes constitués le temps d’une manifestation, et vêtu de noir, recourant à « une forme d’action collective » qui « consiste (...) à manœuvrer groupés de sorte à prendre l’apparence d’un bloc au milieu duquel chacun préserve son anonymat » afin « d’indiquer la présence dans la manifestation d’une critique radicale du système économique et politique ». Le Black Block sert une double ambition : Selon Olivier Cahn « Il est difficile de les appréhender et de les infiltrer. Ils sont autonomes, fonctionnent sans hiérarchie et utilisent la tactique du coucou. Ils se changent discrètement pendant les manifestations et réapparaissent en noir par surprise. » Pour se protéger, les membres communiquent sur des réseaux de messagerie cryptés. Lors des confrontations avec la police, ils portent des lunettes de piscine contre les grenades lacrymogènes. Une fois leur action terminée, ils enfilent généralement des vêtements de couleur pour mieux se fondre dans la foule et mettent en place des stratégies pour ne pas être dispersés avant la fin de leur action. |
Où a-t-on vu les Black Blocs ?
Hors des frontières allemandes comme ce samedi 16 mars 2019 à Paris, les black blocs sont apparus sporadiquement : Ce sont aux États-Unis, suite aux attentats du 11 septembre 2001, que les militants anarchistes ont été, pour la première fois depuis la vague d’attentats qui avaient frappé l’Europe, les États-Unis et la Russie à la fin du dix-neuvième-début du vingtième siècle, assimilés à d’éventuels « terroristes intérieurs ». |
Le Black Bloc et la police
Les black blocs constituent une rupture avec la pratique des acteurs traditionnels de la contestation sociale que sont les syndicats et les partis politiques. Les difficultés qu’ils posent sont d’autant plus délicates à résoudre pour les autorités chargées du maintien de l’ordre qu’ils font un usage "perverti" du droit fondamental de manifester et qu’ils refusent de se soumettre à la règle de la « mise à distance » pour rechercher la confrontation directe, ne laissant aux forces de l’ordre que le choix de l’escalade ou du retrait. Dans ces conditions, les opérations de maintien de l’ordre destinées à neutraliser les black blocs devraient pour en venir à bout recourir (selon les politiques) à la coercition - tant pour disperser les manifestants que pour interpeller les meneurs (grâce à l'exclusion, l'arrestation préventive et/ou massive, isolation/ encerclement/parcage des manifestants, usage massif de la force, création de zones sécurisées, rééquipements, présence policière massive et grande visibilité des forces de l’ordre, réintroduction des contrôles frontaliers et refus d’autoriser l’entrée sur le territoire des activistes, ainsi que des perquisitions). |
Qui fait parti des Black Blocs ?
Marc Crapez, (chercheur en sciences politiques associé à Paris X) raconte dans une anecdote : « Dans une université, j’ai croisé un professeur titulaire qui arborait, au vu et au su de tous, un uniforme de Black Bloc, tout en se revendiquant anarchiste. » Selon lui, le membre du black bloc n'est pas à l'image que ce fait l'imaginaire collectif « ce ne sont nullement des libertaires à cheveux longs et à chemises à carreaux. » Pour Marc Crapez, les Black Blocs ont juste changé de noms au fil du temps « Ces activistes se sont successivement appelés spartakistes, trotskistes, redskins, antifas ou Black Blocs. » « … ils n’ont que faire du « social » et de la révolution. Ils dérivent de courants d’extrême-gauche baptisés « autonomes » ou « alternatifs », basés sur la haine de la police et de l’État-nation. Il s’agit de narguer les autorités. » « En fonction du contexte, les individus rassemblés ainsi « vont être plus ou moins violents », concentrant toujours leurs actions sur des cibles « politiquement symboliques, que ce soit la police ou des symboles du capitalisme », constate Olivier Cahn. |
Parmi les Black Blocs on peut donc rencontrer : Le black bloc dénonce en partie l'ultra-inégalitaire du capitalisme, l'extrême violence de la pauvreté, souhaite un monde nouveau. Les ennemis sont les banques, les multinationales, les bourgeois qui défendent leurs intérêts de classe, les médias, l’État qui permet l'inégalité. En s'autorisant ces formes de lutte, les black blocs ouvre un champ des possibles pour le prolétariat et prend conscience de son propre pouvoir. |
Le black bloc et la justice
La loi a évolué et avec elle les décrets qui permettent de mettre hors d'état de nuire (notamment) les Black Blocs. Nous en faisons un petit panel ci-dessous : - Par la loi n°2010-201, le législateur a ajouté au Code Pénal l'article 222-14-2 qui dit ceci : « le fait pour une personne de participer sciemment à un groupement, même formé de façon temporaire, en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, de violences volontaires contre les personnes ou de destructions ou dégradations de biens est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende ». - En avril 2006, le député E. Raoult déposait une proposition de loi n°2997, aux termes de laquelle devait être ajouté dans le Code pénal un article 431-22 réintroduisant les dispositions de la loi « anti-casseurs » du 8 juin 1970 . - Le 5 mai 2009, quatre-vingt-deux députés de la majorité, emmenés par Chistian Estrosi, déposèrent une proposition de loi n°1641 renforçant la lutte contre les violences de groupes et la protection des personnes chargées d’une mission de service public. - L’article 450-1 du Code pénal ne prévoit l’association de malfaiteurs qu’à la condition que les délits dont la commission est envisagée soient punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement. - Le ministre de l’Intérieur a pris le décret n°2009-724 du 19 juin 2009 qui ajoute au Code pénal un article R.645-14 aux termes duquel: « Est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe le fait pour une personne, au sein ou aux abords immédiats d'une manifestation sur la voie publique, de dissimuler volontairement son visage afin de ne pas être identifiée dans des circonstances faisant craindre des atteintes à l'ordre public. La récidive de la contravention prévue au présent article est réprimée conformément aux articles 132-11 et 132-15. Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux manifestations conformes aux usages locaux ou lorsque la dissimulation du visage est justifiée par un motif légitime». - Le 23 octobre 2018, un projet de loi visant la mouvance Black-bloc est porté par le président LR des sénateurs, Bruno Retailleau. Il stipule qu'à titre de prévention, les préfets pourront prononcer des interdictions de manifestation dans un but de sécurité publique. La création d'un fichier national d'interdits de manifester est aussi proposée. Les préfets pourront aussi autoriser des fouilles et palpations pendant les six heures précédant les manifestations et jusqu'à leur dispersion dans un périmètre défini. Une proposition qui indigne l'opposition qui dénonce l'atteinte aux libertés publiques. La loi visant à renforcer et garantir le maintien de l’ordre public lors des manifestations est adoptée à la mi- |
Quels fichiers de la police pour les Black blocs ?
Des bases de données européennes traitent des éléments de la mouvance Black Blocs, et dans le cadre de la coopération européenne aux fins de sécurisations des sommets internationaux.
|
________________________________________
Sources :
- OLIVIER CAHN , A RÉPRESSION DES « BLACK BLOCS », PRÉTEXTE À LA DOMESTICATION DE LA RUE PROTESTATAIRE - http://la-feuille-de-chou.fr/wp-content/photos/LA-R%C3%89PRESSION-DES-%C2%AB-BLACK-BLOCS-%C2%BB4.pdf
- Lundi matin, https://lundi.am/Qui-sont-les-Black-Blocs, 10 mai 2018
- Histoire secrète des RG, de Brigitte Henri
- Jean-Marie Cotteret, les fichiers de Police et de renseignement en France - https://www.cf2r.org/wp-content/uploads/2017/10/RR-21-Fichiers-Police.pdf
Tags : Le mouvement des Black Blocs c'est quoi, Le mouvement des Black Blocs, Le mouvement des Black Blocks c'est quoi, Le mouvement des Black Blocks, qui sont les black blocs, qui sont les black blocks, les blacks blocs, les black blocs dans la manifestation, les black blocs et les gilets jaunes, black bloc gilets jaunes, black bloc le monde, black bloc dans le monde, qui sont les black blocs, genèse des black blocs, que veulent les black blocs, tactique de luttes, livres sur les black blocs, militants anarchistes, gilets jaunes, actualités, 2019
Commenter cet article